Entretien avec Jean-Marie Le Méné, président de la fondation Jérôme Lejeune
« Faut-il avoir peur du transhumanisme ? »
Comment peut-on définir le transhumanisme ?
Le transhumanisme est la prétention idéologique et commerciale de transformer l’être humain par la technique et par là de l’augmenter.
L’augmentation ne se fera que pour des hommes disposant de moyens financiers suffisants ce qui signifie que d’autres seront considérés comme des hommes diminués. L’homme doit évoluer dans le schéma évolutionniste darwinien et c’est le moment de le faire.
La convergence des différentes techniques, technosciences, conduit certains à considérer qu’il sera possible demain de changer la nature de l’être humain. A travers ce qu’on appelle les NBIC : les Nanotechnologies Biotechnologies, les sciences de l’Informatique et les sciences Cognitives, certains prévoient, dans un avenir assez bref, de faire advenir un homme nouveau 2.0 qui remplacera l’homme 1.0.
Les transhumanistes mènent une propagande commerciale qui prétend que l’intelligence artificielle prendra le pas sur l’intelligence humaine dans une trentaine d’années 2040- 2050 mais nous en sommes bien loin. En revanche, les hommes diminués sont déjà ciblés à travers la situation d’eugénisme que nous connaissons.
Aujourd’hui, nous connaissons une chirurgie réparatrice qui permet d’aider à réparer les déficiences. S’oriente-t-on vers une autre chirurgie, une chirurgie au service de la performance ?
Il existe une différence notable entre les délires du transhumanisme et les performances accrues de la médecine d’aujourd’hui. Améliorer les capacités de l’homme et pallier ses déficiences au moyen de prothèses et autres appareillages ne pose aucun problème moral. Cela n’a jamais eu pour but explicite de la part de la médecine de transformer l’être humain en un surhomme. Simplement on accompagne sa vie en remédiant à ses déficiences. La finalité est complètement différente.
Là où c’est dangereux et grave, c’est lorsque que l’on veut toucher l’ADN c’est-à-dire modifier génétiquement la personne humaine dans ses cellules germinales. Travailler sur les cellules sexuelles et ou sur l’embryon signifie changer la descendance de cet embryon lorsque lui-même deviendra en âge de procréer (exemple : l’expérience chinoise récente). Cela peut mener à des anomalies, à des maladies, à de nouveaux risques.
Mythe ou réalité ?
Les transhumanistes qui se font beaucoup d’argent avec cette propagande et se réservent les bénéfices de ce transhumanisme, sont dans une idéologie totale. Il y a derrière leurs intentions des intérêts extrêmement lucratifs ce qui sera un jour sûrement démasqué.
Si ceux qui utilisent ces technologies les plus performantes pensent pouvoir se passer de morale et finalement se prendre pour Dieu, ils se trompent.
Imaginer que la technique est la seule clé de compréhension du monde, du passé, du présent et de l’avenir et que la technique peut nous sauver de tout est une illusion ridicule qui ne survivra pas très longtemps.
Le transhumanisme prétend fabriquer des hommes parfaits dès l’origine et promet la mort de la mort. L’homme deviendrait un cyborg – un être humain et une machine – tout cela relève de l’ordre du fantasme. Les hommes sont trop orgueilleux pour laisser l’intelligence artificielle les gouverner.
Par contre, le transhumanisme est déjà à l’œuvre dans la dimension eugénique de l’industrie procréative. La procréation médicalement assistée, c’est déjà du transhumanisme. La PMA permet aujourd’hui de fabriquer des embryons, de les congeler et de les corriger. Des laboratoires français travaillent à la création d’embryons avec trois parents c’est-à-dire avec trois patrimoines génétiques, cela en toute illégalité.
S’agissant de la loi de bioéthique en 2019, rappelons qu’il ne faut pas seulement redouter « la PMA pour toutes » mais « la PMA tout court ». La PMA pour toutes n’est qu’une variante de la PMA tout court qui, en séparant la sexualité de la procréation et en inventant le concept de projet parental, a tout rendu possible et cela depuis 25 ans.
Qu’elle concerne les hétérosexuels ou les homosexuels, la PMA se définit par la fabrication d’embryons en dehors de la reproduction naturelle entre un homme et une femme.
Notons que la PMA, en pratique et bien avant la première loi de bioéthique en 1994, a succédé immédiatement à l’avortement dont elle a prolongé la rupture révolutionnaire.
Après avoir enlevé du ventre des femmes des enfants indésirables, désormais il était possible d’introduire dans le ventre des femmes des enfants désirés.
L’homme serait bien inspiré d’observer l’enseignement de l’Église qui a été définie comme experte en humanité par le pape Paul VI. Nous fêtions les 50 ans d’Humanae Vitae en 2018 qui insiste sur le fait qu’il ne faut jamais séparer union et procréation. Le non-respect de cette recommandation n’est-il pas à l’origine de tous ces désordres ?
Précédant le christianisme, l’enseignement moral se fonde sur le décalogue. L’Église se réfère à la loi naturelle inscrite au cœur de l’homme et qu’elle n’a pas inventée. Elle le reprend en l’affinant et en précisant comment cette morale trouve son application à travers les situations concrètes de notre monde qui évolue. Cette morale naturelle n’est pas destinée aux seuls chrétiens mais à tout homme prêt à l’entendre.
Il y a une tentative d’instrumentalisation de la médecine et de la science par le transhumanisme dont la médecine et la science feraient bien de se méfier.
Il n’y a pas d’activité humaine qui soit déconnectée de la morale. La loi n’est pas la morale. Pour reprendre une parole du Pape saint Jean Paul II : tout ce qui est légal n’est pas forcément moral.
Bibliographie – Pour aller plus loin :
« Les premières victimes du transhumanisme » Jean-Marie Le Méné – Éditions Pierre- Guillaume de Roux 2016.
« Leurre et malheur du transhumanisme » Olivier Rey – Editions Desclée de Brouwer 2018. « L’ultime transgression, refaçonner l’homme » Jean-Pierre Dickès – Editions de Chiré 2016.