Entretien avec Anne Bernet, historienne
Ce que Notre‐Dame a dit aux français ?
Dans ses apparitions la Sainte Vierge s’est‐elle toujours adressée à des enfants ?
L’idée reçue selon laquelle Notre‐Dame ne s’adresse qu’à des enfants est fausse. Certes dans une apparition classique nous avons des petits bergers ou bergères de 10 – 12 ans quelquefois plus jeunes. La Sainte Vierge a du goût pour les enfants analphabètes et les bergers de surcroît. Nous avons un certain nombre de cas où la Vierge s’adresse à des adultes et à des hommes.
A Cotignac, Notre‐Dame apparaît à Jean de la Beaume, un homme de la quarantaine, un robuste bucheron qui ne paraît pas particulièrement pieux mais qu’elle prend pourtant pour messager.
Notre‐Dame de l’Osier en Dauphiné est une histoire intéressante. C’est un homme là encore dans la quarantaine, un paysan qui, un jour de grande fête, était allé travailler dans ses champs. Il y a des haies qu’il commence à tailler. Il arrive à un osier d’assez belle taille et lorsqu’il commence à couper l’arbre pour faire du bois, l’arbre se met à saigner. L’avertissement ne lui suffit pas. Il continue à tailler malgré sa femme qui lui dit : « tu vois bien qu’il se passe quelque chose » et à ce moment‐là la Vierge lui apparaît et lui dit : « je sais que tu es protestant, je sais que tu ne crois pas en moi, mais pourtant je t’ai donné suffisamment de signes. Maintenant tu vas arrêter, tu vas retourner à ton travail qui est de prier Dieu et non pas de profaner les fêtes mariales. » L’apparition se renouvellera trois fois car c’est un entêté, mais au bout du compte, il se convertira. Là encore nous avons un homme mais pas un homme de très bonne compagnie.
Quand nous arrivons à Notre‐Dame de Scey en 1802, la première apparition est bien à une petite fille, Cécile Mille, mais la seconde est à son père et à un de ses amis qui sont des hommes adultes.
Catherine Labourrée dans les apparitions de la rue du Bac en 1830 a 24 ans, c’est une adulte.
Estelle Faguet à Pellevoisin est également une jeune femme, nous n’avons donc pas que des enfants dans les apparitions.
A Pellevoisin la Sainte Vierge a parlé du caractère des Français à un des voyants en disant : « Tu as bien le caractère des Français, tu veux savoir avant d’apprendre et tu veux comprendre avant de savoir. » Donc la Sainte Vierge s’est exprimée à de multiples reprises en France. Qu’a‐t‐elle dit aux Français ?
Les prises de parole de Notre‐Dame ont toujours un côté extrêmement pédagogique et répètent en fait toujours la même chose comme toutes les bonnes pédagogues :
Priez,
Faites pénitence,
Ne profanez pas le jour du Seigneur, Respectez les lois de Dieu,
Revenez au pied de mes autels. Construisez‐moi un sanctuaire ici et venez y prier.
Ce qui revient toujours à demander la prière et la pénitence. Il faut voir ce que ce mot implique, il signifie à la fois faire pénitence mais aussi se convertir. Notre Dame nous dit : « convertissez‐vous ».
C’est d’ailleurs une invocation du pèlerinage de chrétienté héritée du Père Emmanuel de Mesnil Saint‐Loup : « Notre‐Dame de la Sainte Espérance, convertissez‐nous. »
Notre‐Dame de la Sainte Espérance est aussi une des très belles titulatures de Notre‐Dame, reconnue canoniquement pour Notre‐Dame de Pontmain.
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Vous venez d’évoquer Pontmain. Quel lien existe t‐il entre Pontmain et la Salette ?
Un lien très manifeste existe entre Pontmain et la Salette. Lors de l’apparition du 19 septembre 1846 à La Salette à Mélanie Calvat et Maximin Giraud, Notre‐Dame pleure sur les péchés de son peuple et sur les malheurs qui vont s’abattre sur la France et les Français s’ils ne se convertissent pas. Il y a cet avertissement : « le bras de mon Fils est si lourd que je ne puis plus le retenir… je suis chargé de le prier sans cesse pour l’empêcher de vous accabler des châtiments que vous méritez… je le prie sans cesse pour vous autres qui n’en faites aucun cas. »
Or, pour les contemporains, la Salette a même été une apparition extrêmement contestée, en partie pour certaines déclarations. Mais pour ceux qui ont cru, il ne fait aucun doute que la guerre de 1870, la défaite, l’invasion, étaient les châtiments promis par la Sainte Vierge à ce peuple rebelle.
Le 17 janvier 1871, c’est l’apparition de Pontmain. Alors que la guerre est perdue, que les prussiens menacent la Bretagne, sont aux portes de Laval, militairement parlant, arrêter l’invasion est désormais totalement impossible et pourtant on espère encore. Partout à travers la France montaient des prières désespérées vers Notre‐Dame. La Vierge est apparue à Pontmain très précisément à l’heure où à la basilique Notre‐Dame de l’Espérance à Saint‐Brieuc l’on prononçait un vœu pour arrêter la guerre, à l’heure où à Notre‐Dame‐des‐Victoires à Paris le vicaire l’abbé Amondri montait en chair sans la permission de son curé pour prononcer le même vœu.
Au fur et à mesure que le message qu’elle dicte aux enfants apparaît sur la banderole déroulée à ses pieds, on a la promesse que les catastrophes annoncées à la Salette ne toucheront pas leur terme : « Mais priez mes enfants, mon Fils se laisse toucher. Dieu vous exaucera en peu de temps. Mon fils se laisse toucher. » Manifestement le grand repentir des Français, les prières, les vœux ont touché le cœur du Christ. « Mon fils se laisse toucher Dieu vous exaucera en peu de temps. » Et en effet l’armistice sera signé le lendemain matin. Les prussiens n’entreront jamais dans Laval. Ici nous avons l’accomplissement de la promesse de Notre‐Dame de protéger son pays à condition qu’il revienne à sa fidélité première. On n’en est toujours là. C’est la promesse faite à saint Rémi : Il en ira ainsi tant qu’ils seront fidèles. Les Français ne sont plus fidèles mais Notre‐Dame l’a juré : « je suis là et je veille. Ne craignez pas. »
On parle aussi d’interventions directes de la Sainte Vierge comme à L’Ile Bouchard en1947 ?
Effectivement, en 1947, nous sommes au bord de la guerre civile, le parti communiste prépare un coup de force pour renverser le gouvernement puis basculer dans le camp soviétique. Des grèves insurrectionnelles sont organisées par la CGT et même des attentats.
Alors en décembre 1947, Notre‐Dame apparaît dans la petite église Saint‐Gilles de l’Ile Bouchard à trois fillettes et leur demande de prier pour la France qui en a tant besoin : « Demandez aux petits‐ enfants de prier pour la France qui est en grand danger, qui en a tant besoin, je suis Notre‐ Dame de la prière … je viendrai si on me prie. Je viendrai mettre du bonheur dans les familles. » C’est alors que contre toute attente la situation s’inverse et la paix revient.
Ainsi Notre‐Dame intervient toujours au moment important et intervient toujours sur les questions qui sont d’actualité dans un proche avenir comme la famille.
Plus que jamais rappelons‐nous la locution intérieure que reçoit sainte Catherine Labourée ? lors de l’apparition de novembre 1830, rue du Bac où elle voit Notre‐Dame et ses mains couvertes de bagues resplendissantes de pierres magnifiques dont certaines pourtant ne brillent pas. Comme elle s’en étonne, la voix intérieure lui dit : « ces pierres qui ne brillent pas, ce sont les grâces que l’on oublie de me demander. »
Bibliographie ‐ Pour aller plus loin :
‐ « Notre Dame en France » ‐ Anne Bernet – Editions de Paris.
‐ « Enquête sur les apparitions de la Vierge » Yves Chiron ‐ Editions poche Tempus