Entretien avec Jean-Pierre Maugendre,
de Renaissance Catholique
Comment restaurer la chrétienté ?
1. Est-il possible de reconstruire la chrétienté ?
La chrétienté existe encore sous certains aspects. Il s’agit de micro-chrétientés : familles, associations, écoles, paroisses, pèlerinage. Il existe encore des structures où effectivement sont encore chrétiens : les institutions, les mœurs et les dirigeants.
Notre aspiration est plus ambitieuse. Il s’agit de faire en sorte que l’ensemble de la société française renoue avec sa vocation et son histoire.
2. Quel plan d’actions ? Quel programme faudrait-il envisager pour restaurer cette chrétienté ?
Dom Gérard Calvet dans son ouvrage « Demain la chrétienté » nous donne la réponse :
« L’idée que la quantité de mal qui ronge la vie des âmes et des sociétés puisse être balayé par un changement d’un régime politique est une idée enfantine qui n’a pas de poids mais qui peut faire inutilement des fleuves de sang. La raison en est évidente. Une nation ne peut basculer par miracle dans le camp d’une politique de lumière. Il faudrait des chefs et des administrateurs qui soient eux-mêmes éclairés des lumières qu’ils veulent répandre. Il faut surtout de lentes préparations, de sainteté qui élève, de souffrance qui purifie, tant de larmes parfois souvent le martyr et toute l’économie cachée de l’intercession et de la prière. Sans doute inutile en plein XVème siècle au milieu d’une anarchie peut-être unique dans l’histoire, le miracle de Jeanne d’Arc mais Jeanne n’est pas un fruit purement spontané, il y avait en France à l’époque des milliers de familles offrant un terrain d’éclosion humainement assez riche pour qu’il put naître une Jeanne d’Arc. Une nation doit songer à sa conversion avec le même sérieux qu’une âme pécheresse. Les mêmes lois préalables de patience et de purification y sont nécessaires. Une nation fut-elle chrétienne ne remonte pas tout d’un coup 200 ans de laïcisme. »
3. Un homme providentiel seul, ce n’est pas suffisant.
Notre pays est blessé en profondeur. La crise que nous vivons n’est pas d’abord économique, politique ou financière, elle est essentiellement une crise de la transmission, une crise de civilisation, intellectuelle, morale, et spirituelle. Et face à cette crise morale, intellectuelle, et spirituelle, ce sont des outils intellectuels et spirituels qui doivent être mis en œuvre.
Jean Ousset avait cette très belle expression : « A quoi sert-il de gagner le pouvoir à midi si c’est pour le perdre à midi une ? ».
Je crois que nous sommes dans cette situation. Un homme providentiel accédant au pouvoir devrait pouvoir s’appuyer sur une société déjà en grande partie revivifiée. C’est à cette revivification de nos institutions et de notre corps social, à la place qui est la nôtre, que nous devons travailler.
4. Qu’est-ce que chacun d’entre nous peut faire pour œuvrer à la restauration de la chrétienté ?
Le Maréchal Foch disait : « il faut faire de la société une pyramide de chefs ».
Nous sommes tous chefs ou responsables de quelque chose. Nous sommes chefs de famille pour les hommes qui sont mariés. Les mères de familles sont responsables avec leurs conjoints de l’éducation de leurs enfants. Les chefs d’entreprises sont responsables de telle ou telle activité. Il existe aussi les responsabilités associatives. Certains ont également des responsabilités politiques dans le cadre de la vie municipale.
Tous nous pouvons chercher d’abord à vivre en chrétien. Il y a un apostolat de la fidélité et de la maintenance, qui au delà des grands discours, passe par le témoignage. Nous devons également être des missionnaires, qui ayant vécu de cette fidélité à la loi naturelle, cherchent à faire partager ses convictions, à appliquer puis à transmettre dans la vie quotidienne tous ces éléments qui constituent la chrétienté.
5. Chacun doit agir à la fois dans l’action et la prière :
Saint Ignace disait : « Agir comme si tout dépendait de nous et prier comme si rien ne dépendait de nous ».
Sainte Jeanne d’Arc ne disait pas autre chose dans sa célèbre phrase : «Les hommes combattront et Dieu donnera la victoire ». Bien entendu, dieu donnera la victoire, si elle Lui est demandée. »
Il y a vraiment une complémentarité de ces 2 aspects. Il s’agit d’être des hommes d’action et de mettre en œuvre tout ce qui est nécessaire pour atteindre le résultat que nous souhaitons, sachant que ultimement de toute façon c’est la volonté de Dieu qui se fait. Il y a vraiment une interaction de l’action et de la prière.
Ernest Psichari a cette phrase admirable : « il faudrait faire de notre vie une bataille mêlée de prière. »
Bibliographie – Pour aller plus loin :
- – Dom Gérard Calvet : « Demain la Chrétienté » – Editions Sainte Madeleine
- – Homélie de Dom Gérard – « Qu’est-ce qu’une chrétienté ? » à la Cathédrale de Chartres le Lundi de Pentecôte 1985
» sur le site : http://www.nd-chretiente.com/index-site.php?file=textes/chartres_1985 - – Révérend Père Auguste Berthe : « Vie De Garcia Moreno » – Editions Saint Rémi
- – Philippe Delhaye « Ernest Psichari, soldat Chrétien » – Editions du Chant d’Oiseau