QU’EST-CE QUE LE DEVOIR D’ETAT ?

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 » Les circonstances font les Saints, mais les Saints ne font pas les circonstances ».

Dom Guéranger

Nous sommes tous dans un état de vie provisoire ou définitif. Cet état de vie comporte des obligations et ces obligations sont la traduction concrète de la volonté de Dieu sur nous. Une fidélité très exacte à ces obligations est le meilleur moyen de marcher vers la sainteté effective. La première obligation de notre devoir d’état, très souvent soulignée par Saint François de Sales, est de ne pas rêver d’un autre état de vie, où, nous semble-t-il, la sainteté serait plus facilement accessible.


« Les moyens de parvenir à la perfection sont divers selon la diversité des vocations; car les Religieux, les veuves et les mariés doivent rechercher cette perfection, mais non par même moyen «  (A la Présidente Brulart, 3 mai 1604).


« Chacun voudrait volontiers changer sa condition à celle des autres, ceux qui sont Evêques voudraient ne l’être pas; ceux qui sont mariés voudraient ne l’être pas, et ceux qui ne le sont pas le voudraient être  » (même lettre).


« Chacun demeure en sa vocation devant Dieu. Il ne faut pas porter la croix des autres, mais la sienne  » (à la même, 13 octobre 1604).


« Chacun aime selon son goût; peu de gens aiment selon leur devoir et le goût de Notre Seigneur. De quoi sert-il de bâtir des châteaux en Espagne puisqu’il nous faut habiter en France ? » (à la même, juin 1607).


La seconde obligation de notre devoir d’état est de bien mettre l’héroïsme là où il doit être mis. Ni dans notre intelligence, ni dans notre volonté même, encore moins dans notre imagination, mais dans nos actes concrets.
Les héros que nous admirons tant, ceux qui ont versé leur sang pour leur Foi et pour leur Roi, se sont préparés à l’héroïsme de grandeur par l’héroïsme de petitesse. Ce dernier héroïsme a un Docteur incomparable qui parle  » des petits moyens qui m’ont si parfaitement réussi : il n’y a qu’une seule chose à faire : jeter à Jésus les fleurs des petits sacrifices». (Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus)


Elle avoue avec beaucoup de simplicité qu’en lisant la vie de Sainte Jeanne d’Arc, dans son enfance, il lui semblait que le Seigneur la destinait à de grandes choses. Mais plus tard, elle comprit qu’il n’est pas nécessaire de faire des œuvres éclatantes mais de se cache et de pratiquer la vertu, en sorte que la main gauche ignore ce que fait la main droite.


Peut-être n’a-t-elle jamais mieux décrit sa  » petite voie » que dans ce passage de sa lettre du 8 septembre 1896 à Soeur Marie du Sacré-Coeur :  » Je n’ai pas d’autre moyen de te prouver mon amour que de jeter des fleurs, c’est-à-dire de ne laisser échapper aucun petit sacrifice, aucun regard, aucune parole, de profiter de toutes les petites choses et de les faire par amour. Je veux souffrir par amour et même jouir par amour, ainsi je jetterai des fleurs devant ton trône, je n’en rencontrerai pas une sans l’effeuiller pour toi. «  (Mss. auto.coll. Livre de vie, p. 229)

Cette humble obéissance au devoir d’état est très coûteuse à notre nature, mais elle enracine très profondément en nous les vertus qui font les héros et les saints. Car c’est une remarque faite par Aristote et Saint Thomas, que la vertu se manifeste le mieux dans les occasions soudaines. On se trahit mieux dans les circonstances imprévues. C’est dans la soudaineté d’un fusil braqué sur celui qui le précédait que le capitaine de Cathelineau a révélé toute la noblesse de son âme et s’est jeté avec toute la promptitude de son amour entre le fusil et l’adjudant de gendarmerie. Sacrifier sa vie ainsi ne s’improvise pas. Et dans ce geste, on peut voir aussi l’un des plus beaux fruits du sacrifice du  » Saint de l’Anjou » en 1793, tant il est vrai que  » le sang des Martyrs est une semence de chrétiens ».


Préparons-nous par l’héroïsme dans le  » terrible quotidien » (l’expression est de Pie XI) à l’héroïsme qui nous sera peut-être demandé par Dieu dans des circonstances extraordinaires.

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