Le texte qui suit a été écrit par Mr Jean-François Chemain, auteur du livre La vocation chrétienne de la France, disponible aux éditions Via Romana.
Plus d’informations à paraître dans le nouvel Appel de Chartres de Décembre spécial réouverture de Notre-Dame de Paris !
Notre-Dame de Paris, Notre-Dame de France !
Ce n’est pas la plus grande cathédrale de France : Reims, Amiens, Chartres le sont beaucoup plus. Ce n’est peut-être pas la plus belle : elles le sont toutes tellement, nos 87 cathédrales françaises ! Mais c’était de loin la plus visitée, par plus de 10.000.000 touristes par an… jusqu’au jour tragique du 15 avril 2019 où elle a brûlé.
L’émotion fut énorme, tant en France qu’à l’étranger, au point qu’une sorte d’Union sacrée s’est un temps constituée, les Français oubliant autour des flammes leurs sempiternelles divisions. Car Notre-Dame, ce n’est pas seulement la cathédrale de Paris, c’est celle de toute la France, et celle de l’Histoire millénaire de la France, qui remonte à ces rois capétiens qui l’ont construite dans le même temps qu’ils construisaient la France dont elle est le symbole de pierres.
Mais ce n’est pas qu’un tas de cailloux, aussi sublime soit-il, c’est aussi, c’est surtout, le majestueux reliquaire de la Couronne d’Épines et de la Sainte Tunique. Les médias n’ont pas suffisamment mentionné le courage, pendant l’incendie, de l’abbé Jean-Marc Fournier, aumônier des sapeurs-pompiers de Paris, ordonné au sein de la Fraternité Saint-Pierre. Ce héros de la guerre d’Afghanistan et de la tuerie du Bataclan (où il donna l‘absolution collective aux victimes, alors que les tirs n’avaient pas cessé), s’est précipité dans les flammes pour sauver la Couronne et la Sainte tunique du Christ, ainsi que le Saint-Sacrement avec lequel il bénit la cathédrale, demandant à Jésus de sauver du brasier le monument dédié à Sa Mère. Modeste, il estime n’avoir fait que son devoir.
Cathédrale de Paris, cathédrale des rois de France, Notre-Dame a été associée aux grands moments de l’Histoire, toujours en lien avec l’Église, dont notre pays est « la fille aînée ». Car Paris est la capitale du plus vieux pays chrétien d’Europe, né du baptême de Clovis en 496 et du sacre de Pépin-le-Bref en 754. C’est depuis Paris que nos « rois très chrétiens » ont, siècle après siècle, construit leur Royaume, repoussant ses frontières, lui donnant de solides institutions et l’ancrant dans une foi catholique dont ils ont été les garants (à défaut d’en être toujours des exemples).
Paris a très tôt été le phare intellectuel de la chrétienté occidentale, « le four où se cuit le pain intellectuel du monde entier » écrivait un légat pontifical du 13e siècle. Son Université, fondée en 1200, a attiré des intellectuels de renom venus de toute la Chrétienté, comme l’italien Thomas d’Aquin, ou l’allemand Albert le Grand, devenant le grand centre médiéval de la recherche théologique et philosophique, « mère des sciences, lumière de la foi » (Grégoire IX).
On ne peut parler de Notre-Dame sans évoquer Saint-Louis, durant le règne duquel s’est déroulée une grande partie de sa construction, et qui acheta à l’empereur Baudouin II de Constantinople la Sainte-Couronne (d’abord conservée, avec d’autres précieuses reliques, dans la Sainte-Chapelle, elle échappa de peu à la destruction au cours de la Révolution, avant d’être affectée au trésor de la cathédrale). Ce roi est aussi réputé pour avoir, au cours de son règne, renforcé le pouvoir royal, passant du statut de « suzerain » féodal à celui de « souverain ».
Notre-Dame fut le lieu du vœu que Louis XIII, en remerciement de la naissance de son fils, fit d’y élever un nouveau maître-autel, avec une sculpture de la Pietà, devant laquelle lui-même serait représenté lui remettant son sceptre et sa couronne. Il mourut peu après, sans avoir eu le temps de le réaliser, mais Louis XIV tint la promesse de son père…
Après les Capétiens directs et les Bourbons, les Bonaparte à leur tour s’approprièrent Notre-Dame. Tant bien que mal : si Napoléon 1er obtint de Pie VII qu’il y vienne le sacrer, le 2 décembre 1804, son neveu ne put persuader Pie IX de se déplacer, et dut se contenter d’une messe. Il se rattrapa un peu en y célébrant son mariage avec Eugénie de Montijo en 1853.
Et puis il y eut la « République laïque », qui n’empêcha pas le général De Gaulle, son restaurateur, de faire célébrer un Te Deum à Notre-Dame, le 26 août 1944, pour remercier Dieu de la libération de la France. À cet égard, au-delà de ce que l’on peut penser du personnage, de l’ambition personnelle que cette intention traduit, et de ce qu’il dirait d’une telle affirmation, les velléités du Président Macron de s’exprimer intra muros de l’édifice n’ont pas été sans rappeler le lien qui depuis toujours unit en France le chef de l’État à l’Église catholique, et depuis mille ans à Notre-Dame de Paris.
Cathédrale de la capitale de la France, Notre-Dame a vécu au rythme de ses heurs mais aussi de ses malheurs. Car avant l’incendie de 2019 on ne peut oublier les outrages que lui a fait subir l’époque révolutionnaire, quand la Convention, après y avoir fait célébrer une « fête de la Liberté », la dédia au culte de la déesse raison, y interdisant le culte catholique. La cathédrale fut ensuite transformée en entrepôt de vin. La populace, croyant qu’il s’agissait des rois de France, renversa et décapita les rois de Juda de la façade. Toutes les grandes statues des portails furent également détruites… Lorsque Notre-Dame fut rendue au culte, les verrières étaient brisées, les pavements défoncés, le sol encombré de gravats… Elle se releva, plus belle que jamais, donnant à Eugène Viollet-le-Duc l’occasion d’un de ses plus beaux chantiers.
Sa dernière résurrection a soulevé un immense élan de solidarité tant en France qu’à l’étranger, permettant de recueillir en quelques mois une somme énorme, plus importante que ce que nécessitait sa restauration. La Commission Nationale d’Architecture et du Patrimoine a voté, à l’unanimité, en faveur d’une restauration à l’identique de cette cathédrale emblématique de l’Histoire de France et de la Chrétienté. Les meilleurs artisans se sont retrouvés sur le chantier, contribuant à la pérennité de savoir-faire ancestraux : charpentiers, tailleurs de pierre, vitraillistes… Ils ont travaillé sous la direction des meilleurs spécialistes de l’histoire, de l’archéologie ou des techniques de construction médiévale, et ce, quelles que soient les convictions politiques et religieuses personnelles des uns et des autres.
Autour et grâce à Notre-Dame, la France a su s’unir, montrer sa résilience, mobiliser toutes les formes de son génie, et surtout manifester que, même si elle l’ignore, elle est bien restée une nation attachée à sa catholicité. « Le peuple qui a fait alliance avec Dieu aux Fonts Baptismaux de Reims se repentira et retournera à sa première vocation » a prophétisé le pape Pie X… Faudra-t-il d’autres incendies pour lui donner raison ?