Pierre est né en Janvier 1952. C’est le deuxième de trois garçons, nés de parents artisans et catholiques. Paul, Pierre, Jacques, trois prénoms d’apôtres ; à l’évidence, la religion et la culture familiales sont liées à l’Eglise.
Pierre commence par acquérir un CAP de photographe, qu’il mettra au service de ses talents d’imprimeur, bénévole et militant d’abord, avant d’en faire son métier. Dans l’effondrement de l’après-concile, il tient bon, mais repousse au début l’embrigadement d’un mouvement naissant, le MJCF. Il préfère raviver, lui, le breton de Paris, sa souche bretonnante, notamment par le chant folklorique, et côtoie Glenmor, Alan Stivell, de popularité notable dans les années 70. Pierre aime chanter, en toutes occasions certes, mais aussi avec application, dans les chorales d’amitié militante, et des enregistrements de qualité en témoignent.
C’est le combat contre l’avortement et sa légalisation en marche qui vont être pour Pierre l’occasion d’un regain d’engagement catholique. De retour d’un service militaire de 2 ans au 1er RPIMA de Bayonne à l’été 1972, Pierre dirige un camp MJCF en Turquie. Désormais, il sera l’indispensable, l’énergie profuse de toutes les opérations risquées. Son courage physique pour affronter les gars d’en face n’est pas un vain mot. Ni pour démolir un sex-shop à coups de rangers, ni fin 74, pour plonger dans l’eau glaciale dans l’espoir, hélas déçu, de sauver deux vies, au risque d’y laisser la sienne.
Il faut bien vivre, et Pierre prend un emploi dans l’édition, précisément chez la bonne presse de la rue des Renaudes. Son amitié indéfectible avec le futur abbé Jean Michel Duport date de cette collaboration, qui débute en 1973.
Puis Pierre devient responsable de l’impression des livres de la maison des Editions de la Nouvelle Aurore, émanation nouvelle du MJCF, installée dans l’Abbaye de la Haye aux Bonshommes, propriété du MJCF en attendant son rachat par une communauté dominicaine. Il y a laissé sa santé dans le froid de ces locaux non chauffés. A cette époque, il s’est lié d’amitié avec Jean de Viguerie dont il admirait la clairvoyance d’historien, tandis que ce dernier était reconnaissant à Pierre du zèle et du soin portés à l’impression (interminable) d’un ouvrage capital pour l’auteur.
Pierre a été un acteur important dans l’occupation de Saint Nicolas du Chardonnet en février 1977, prise à l’initiative de Mgr Ducaud-Bourget. Durant trois mois, avec d’autres, il sécurise le site, afin que le coup d’éclat ne se résume pas à un coup d’épée dans l’eau.
Il se marie avec Françoise en 1978, et le foyer s’étoffe sans attendre, multipliant les prénoms bretons. Quant à ses engagements concrets et la vie quotidienne à gérer, d’autres qui l’ont côtoyé de plus près pourraient apporter des témoignages plus étoffés que ceux que la vie professionnelle a dispersés géographiquement. Mais retrouver Pierre, à la faveur des festivités que l’amitié partagée suscitait, c’était comme reprendre le fil de la conversation d’hier avec l’assurance d’une jovialité constante, d’un verbe sans fard, et aussi d’une correction fraternelle pertinente si besoin était, le tout accompagné d’un sourire tour à tour séducteur et carnassier.
Pierre, en effet ne parlait pas pour ne rien dire. Non seulement il avait échangé avec de grands esprits politiques ou religieux au cours de fidèles collaborations mais il était aussi un grand lecteur et cet amoureux des livres avait constitué une bibliothèque d’une rare richesse, en particulier dans le domaine de la pensée française. A faire pâlir d’envie tout honnête homme…
Pierre, chargé de famille, ne renonce pas au militantisme. Militant au Centre Henri et André Charlier et de Chrétienté-Solidarité, il participe aux premiers pèlerinages de Chartres dès 1983. C’est lui qui avait, entre autres, le mauvais rôle de réveiller les pèlerins à 5 heures du matin avec sa voix grave ! Il est resté fidèle au chapitre des martyrs de septembre, dirigé par son ami de toujours Jacques Arnould avec lequel, par ailleurs, il chantait au sein du chœur Montjoie Saint-Denis.
Sa belle voix se faisait aussi entendre dans les veillées du pèlerinage. Il est sans aucun doute un modèle de militants de la chrétienté que nous aimions épauler dans les actions diverses et variées que nous devions mener : Dieu, travail, famille, patrie. Toutes les occasions de servir s’y retrouvaient dans une ambiance d’amitié française qui caractérisait si bien nos actions.
En novembre 1986, moins de 10 ans après Saint Nicolas du Chardonnet, Pierre fait partie du groupe qui force la porte de l’église Saint-Louis du Port-Marly, autour du Père Bruno de Blignières. Il faut des muscles pour maintenir la messe de Saint Pie V dans une église !
Pierre a toujours été l’homme de l’engagement et de la fidélité, donc. Ce fut vrai pour sa famille, pour notre pays, pour notre Eglise malade du concile. Il vivait pour se donner avec cette insigne générosité qui dure, cette volonté quotidienne de se surpasser pour être à la hauteur et ne jamais décevoir. Là se trouve l’honneur, parce que là aussi réside la Charité que l’on doit au prochain. S’il y eut de la démesure dans sa vie, ce fut dans le don de soi.
Au fil des ans, l’indissociable fratrie Le Morvan fera souche en Mayenne, terre de Chrétienté persistante. Ni trop près, ni trop loin les uns des autres. De plus, son épouse, Françoise, fragilisée physiquement plus tôt que d’aucunes, saura pouvoir compter sur un mari d’un dévouement qui fera l’admiration de tous ceux qui approcheront ce couple ; il est le témoignage rare de l’oblativité conjugale masculine.
Pierre faisait résolument partie de ces personnes sur lesquelles on pouvait compter. Sa parole donnée était tenue. Mais que faire quand le physique ne suit plus ? Depuis plus d’un an, se déclarant lui-même « rescapé du Covid », et supportant, aux côtés de son épouse, le harnachement d’oxygène, Pierre souffrait, indéniablement, de son manque de liberté d’aller et venir, ne serait-ce que dans leur propriété et sa verdure. La proximité de Chémeré-le-Roi lui était un soutien spirituel. Quelques kilomètres, c’était faisable. Mais pour les amis épars, comment pallier ? Si tu ne vas pas à Lagardère…Une tradition de jeudis trimestriels à Epineux le Seguin s’ébauchait, à quelques-uns, sans déni de notre inquiétude. Si nous tenons à Pierre, ne tardons pas à le rejoindre là où il est, et tant qu’il est là. On parlait de greffe pulmonaire. Le Seigneur qu’il a servi l’a rappelé selon Son Bon Plaisir. Pierre nous manque déjà, aux siens comme à ses amis.
L’Eglise militante a perdu l’un de ses serviteurs, mais elle a gagné, n’en doutons pas, un céleste soutien de plus. Il a mené le bon combat. Pourquoi Pierre nous oublierait-il ? Si notre cœur souffre de son absence à nos côtés, réjouissons-nous de savoir qu’il est encore plus près de Celui qui a inondé son âme de Charité. Merci, Pierre, pour ton amitié, ton entrain constant, ton authenticité, ta foi, ta puissance vitale.
Qui, à vues humaines, pourrait douter de la couronne qui lui est destinée ? Et qui, à vues chrétiennes, ne s’emploiera pas, par la prière, à témoigner pour lui auprès du Juste Juge ?