Parmi les institutions qui sont gravement remises en cause par les évolutions actuelles de nos sociétés, il en est une qui subit des attaques continuelles particulièrement virulentes, c’est le mariage et sa conséquence directe : la famille. Pour bien comprendre les raisons de telles remises en cause, il suffit de se remémorer et d’étudier l’importance du mariage dans la société.
I) LE MARIAGE
« Il n’est pas bon que l’homme soit seul, faisons-lui une compagne semblable à lui. Il les fit homme et femme. L’homme quittera son et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils seront deux dans une seule chair». Telles sont, extraites de la genèse, les paroles de Dieu après la création du monde.
1.1) NATURE DU MARIAGE
Le mariage n’a pas été instauré ni institué par les hommes mais par Dieu et c’est par le Christ Notre Seigneur qu’il a été muni de ses lois ; par suite, ces lois ne sauraient en rien dépendre des volontés humaines, ni d’aucune convention contraire des époux eux-mêmes. C’est là la nature même du mariage rappelée par le concile de Trente. Par conséquent, le mariage est indissoluble et son unité comme son immuabilité proviennent de Dieu son Auteur. Si le mariage
est comme nous venons de le voir d’institution divine par sa nature, la volonté humaine y a sa part qui est noble.
Chaque mariage particulier n’a d’autre origine que le libre consentement des époux. Cet acte libre de volonté, par lequel chacune des deux parties livre et reçoit le droit propre du mariage, est si nécessaire pour réaliser un mariage véritable que nulle puissance humaine n’y pourrait suppléer. Cette liberté ne porte toutefois que sur un point, savoir : si les contractants veulent effectivement entrer dans l’état de mariage, et s’ils le veulent avec telle personne. La nature même du mariage reste absolument soustraite à la liberté de l’homme, en sorte que quiconque l’a une fois contracté se trouve du même coup soumis à ses lois divines et à ses exigences essentielles.
L’union conjugale est déterminée par une décision délibérée et ferme des volontés qui produit un lien sacré et inviolable. Aucune loi humaine ne saurait ôter à l’homme le droit naturel et primordial du mariage ou de limiter d’une façon quelconque ce qui est la cause même de l’union conjugale établie dès le commencement par l’autorité de Dieu : « croissez et multipliez-vous. »
Ainsi, l’union sainte du mariage est constituée d’une part par la volonté divine et d’autre part par la volonté humaine. Le mariage est un sacrement de la loi nouvelle, institué par Notre Seigneur Jésus-Christ, pour conférer aux époux, avec une augmentation de la vie divine en eux, un droit aux grâces actuelles qui leur permettront d’accomplir convenablement et facilement les devoirs de leur nouvel état. C’est une vérité de foi d’après le concile de Trente
1.2) LA GRANDEUR DU MARIAGE
Cette grandeur peut s’apprécier à la lumière de la dignité de l’homme et de la sublimité de ses fins. L’homme dépasse toutes les autres créatures visibles par la prééminence de sa nature raisonnable.
La fin primordiale du mariage est la procréation et l’éducation des enfants. Les enfants nés de la toute puissance de Dieu, avec la coopération des époux, sont tout ensemble un don de la divine bonté et un précieux fruit du mariage. Les parents chrétiens sont appelés à donner des fils à l’Église, à procréer des concitoyens, des saints et des familiers de Dieu. Le bien de l’enfant ne se termine pas au bienfait de la procréation. Les parents qui ont reçu de Dieu le pouvoir et le droit d’engendrer, ont reçu parallèlement le droit et la charge de l’éducation des enfants. Saint Augustin synthétise ces devoirs en cette sentence : « Pour ce qui regarde les enfants, ils doivent être accueillis avec amour, élevés religieusement ». Le droit canon les résume par cet article : « la fin
première du mariage, c’est la procréation des enfants et leur éducation». La faculté donnée par Dieu de procréer de nouvelles vies est exclusivement le droit et la prérogative du mariage.
Un autre bien du mariage ou fin secondaire est celui de la fidélité conjugale, fidélité mutuelle des époux à observer le contrat de mariage sanctionné par la loi divine ainsi que le perfectionnement mutuel. La fidélité peut se résumer à ce qui revient au conjoint ne lui sera pas refusé ni ne sera accordé à une tierce personne. Cette fidélité requiert une absolue unité conjugale : « C’est pourquoi ils ne seront plus deux, mais une seule chair». Saint Augustin parle de
fidélité de la chasteté. Cette fidélité conjugale demande que l’homme et la femme soient unis par un amour particulier, par un saint et pur amour, qui n’a rien à voir avec la concupiscence ou une inclination purement charnelle. «Epoux, aimez vos épouses comme le Christ a aimé son Église». Cet amour réside dans les sentiments intimes et se prouve par des œuvres : comme l’appui mutuel naturellement mais aussi des visées plus hautes : l’aide réciproque des époux à former et perfectionner chaque jour davantage en eux l’homme intérieur. Les rapports quotidiens des époux les aideront ainsi à progresser jour après jour dans la pratique des vertus, à grandir surtout dans la vraie charité envers Dieu et envers le prochain. Dans cette mutuelle formation intérieure des époux et cette application assidue à travailler à leur perfection réciproque, on peut voir la cause et la raison première du mariage. A condition de voir l’institution du mariage dans son sens le plus large, comme une mise en commun de toute la vie, une intimité habituelle, une société domestique établie sur les liens de charité.
L’aide mutuelle est à rechercher et à atteindre par les époux. C’est elle qui fournit à chacun des conjoints, par l’union intime, totale, définitive, de sa personne avec la personne aimée, le complément auquel il aspire naturellement : un soutien, un appui, à la fois matériel, physique, sentimental, affectif, spirituel, extrêmement précieux, et qui, pour l’ensemble des humains, est le moyen providentiel de leur perfectionnement personnel et social, de leur progrès moral et de leur sanctification.
La famille, société domestique composée d’enfants et de parents, reste la principale grandeur du mariage et sa finalité première. Elle occupe une place de choix dans l’Église comme dans la société, elle est au centre de l’ordre humain et tout gravite autour d’elle. Le problème de la famille commande tous les autres. Quand on s’occupe de la famille on s’occupe de tout. La prospérité de la famille est un indice de la prospérité sociale. Quand, sur le plan moral et sur le plan matériel, les familles s’épanouissent, c’est le signe probant de la sagesse d’une politique.
II) LA FAMILLE
« La famille est chose sacrée. » (Pie XII).
Nous envisagerons la famille dans ses rapports avec la société et avec l’Église pour ensuite examiner rapidement de quelle façon la famille peut contribuer à la renaissance de la France.
2.1) LA FAMILLE DANS LA SOCIETE
La famille est un élément d’ordre et de paix ; c’est par elle que tout commence ; elle est réellement la communauté humaine de base, la cellule sociale élémentaire. L’ordre familial apparaît comme le grand régulateur social, la grande loi de la civilisation, c’est pourquoi les attaques permanentes qui sont dirigées contre la famille montrent à quel point nous devons faire tout ce qui est dans nos moyens pour préserver notre cellule familiale si nous voulons donner le maximum de chances à nos enfants de faire leur salut éternel. Cependant, comme le précise Pie XI dans sa lettre « Divini illius magistri » : « La famille reste une société imparfaite parce qu’elle n’a pas en elle tous les moyens nécessaires pour atteindre une perfection propre tandis que la société
civile est une société parfaite, car elle a en elle tous les moyens nécessaires à sa fin propre, qui est le bien commun temporel. Elle a donc sous cet aspect, c’est à dire par rapport au bien commun, la prééminence sur la famille, qui trouve précisément dans la société civile la perfection temporelle qui lui convient. » La famille devrait trouver dans la société civile la perfection temporelle qui lui convient. Si la famille doit s’ordonner à l’État, il est clair que cette subordination doit être pour le plus grand bien des familles. L’État doit user de son autorité pour protéger et faire progresser la famille, mais sans l’absorber ou s’y substituer. Si la famille est une toute petite société, elle est réelle et antérieure à toute société civile, dès lors, il lui revient certains droits et devoirs absolument indépendants de l’État. Le pape Léon XIII précise dans l’encyclique « Rerum Novarum » : « Si les familles, si les individus, entrant dans la société y
trouvaient, au lieu d’un soutien, un obstacle, au lieu d’une protection, une diminution de leurs droits, la société serait bientôt plus à fuir qu’à rechercher. » Ainsi l’autorité paternelle ne saurait être abolie ni absorbée par l’État, car elle a sa source là où la vie humaine prend la sienne. Les enfants entrent dans la société civile non par eux-mêmes, mais par l’intermédiaire de la société domestique dans laquelle ils sont nés. D’où il suit qu’en matière d’éducation, la famille reçoit
immédiatement du créateur la mission, et par conséquent le droit, de la donner à l’enfant, droit inaliénable et inviolable par quelque puissance que ce soit. Grâce au sacrement de mariage, la mission éducative est élevée à la dignité, et à la vocation d’un « ministère » authentique de l’Église au service de l’édification de ses membres. Saint Thomas n’hésite pas à le comparer au ministère des prêtres : « Certains propagent et entretiennent la vie spirituelle par un ministère uniquement spirituel, et cela revient au sacrement de l’ordre : d’autres le font pour la vie à la fois spirituelle et corporelle, et cela se réalise par le sacrement de mariage, par lequel l’homme et la femme s’unissent pour engendrer les enfants et leur enseigner le culte de Dieu. »
2.2) LA FAMILLE ET L’ÉGLISE
Parce qu’elle est le creuset même de la vie, qui a son principe en Dieu seul, il n’est pas étonnant que la famille apparaisse marquée d’un signe religieux. Parmi les tâches fondamentales de la famille chrétienne prend place celle que l’on peut dire ecclésiale, celle qui met la famille au service de l’édification du Royaume de Dieu dans l’histoire, moyennant la participation à la vie et à la mission de l’Église. Cette participation comporte de nombreux et profonds liens qui relient entre elles l’Église et la famille comme une « Église en miniature » de telle sorte qu’elle soit, à sa façon, une image vivante et une représentation historique du mystère même de l’Église. L’Église révèle à la famille chrétienne sa véritable identité, c’est à dire ce qu’elle doit être selon le dessein du Seigneur, symbole, témoignage, participation de la maternité de l’Église. La famille chrétienne est insérée dans le mystère de l’Église au point de participer, à sa façon, à la mission de salut qui lui est propre : les époux et les parents chrétiens, en vertu du sacrement, ont ainsi, en leur état de vie et dans leur ordre, un don qui leur est propre au sein du peuple de Dieu. Ainsi ils reçoivent l’amour du Christ, mais ils sont aussi appelés à transmettre ce même amour en
devenant une communauté qui sauve. La famille chrétienne est appelée à prendre une part active et responsable à la mission de l’Église d’une façon propre et originale, en se mettant elle- même au service de l’Église et de la société dans son être et son agir, en tant que communauté intime de vie et d’amour. La famille chrétienne est une communauté qui croit et qui évangélise, en dialogue avec Dieu et au service de l’homme. Dans son exhortation apostolique « Evangelii nuntiandi », le pape Paul VI précisait : « (…) la famille, comme l’Église, se doit d’être un espace ou l’évangile rayonne. Au sein donc d’une famille consciente de cette mission, tous les membres de la famille évangélisent et sont évangélisés. Les parents non seulement communiquent aux enfants
l’évangile mais peuvent recevoir d’eux ce même évangile profondément vécu. Et une telle famille se fait évangélisatrice de beaucoup d’autres familles et du milieu dans lequel elle s’insère. » C’est l’esprit missionnaire. Ce même esprit se retrouve dans la constitution dogmatique sur l’Église « Lumen gentium » qui déclare que « la famille chrétienne proclame hautement à la fois les vertus actuelles du Royaume de Dieu et l’espoir de la vie bienheureuse ». C’est l’exemplarité du comportement.
La famille doit aussi former des enfants à la vie pour permettre à chacun d’accomplir en plénitude son devoir selon la vocation qu’il a reçue de Dieu ; elle est le premier et le meilleur séminaire de la vocation à une vie consacrée au Royaume de Dieu.
2.3) LA FAMILLE, FONDEMENT DE L’ORDRE SOCIAL
La famille est le principe de la société. Elle n’est pas formée d’un conglomérat d’individus, êtres sporadiques, apparaissant un instant pour s’évanouir ensuite, mais de la communauté économique et de la solidarité morale des familles qui, transmettant de génération en génération le précieux héritage d’un même idéal, d’une même civilisation, d’une même foi religieuse, assurent la cohésion et la continuité des liens sociaux. La famille doit être l’élément initial et
comme la cellule de la cité. La paix au sein du foyer domestique entre celui qui commande et celui qui obéit concourt à la concorde entre les citoyens.
La famille est la cellule éducatrice par excellence parce qu’elle est la cellule sociale clef et la cellule de base élémentaire. C’est par elle que passe l’instruction et l’éducation des enfants. La véritable éducation n’est pas une matière qui s’enseigne comme l’histoire ou la géographie ; il entre dans la notion d’éducation quelque chose de beaucoup plus complexe et de beaucoup moins théorique. Elle est quelque chose de moins appris que vécu d’où l’importance de la communauté, de la société où l’on se trouve et du « milieu ».
C’est par-là que la vertu éducatrice de la famille se distingue des qualités proprement éducatrices des parents. L’action des parents est sans aucun doute primordiale mais l’influence du milieu familial ne l’est pas moins même si, par un certain côté, les effets, pour être plus subtils, sont les plus décisifs. L’éducation familiale n’est donc pas uniquement l’éducation sciemment donnée par les parents mais aussi celle qui est due à l’influence du milieu familial. On comprend mieux l’importance considérable de la stabilité de ce cadre et l’impérieux devoir d’écarter farouchement tout ce qui risque d’en détruire l’heureuse vertu. On éloignera du foyer familial tout ce qui peut être un défi à la religion et aux bonnes mœurs. La France, comme toutes les nations,
doit comprendre que c’est des familles que viendront les espoirs de renaissance. La destruction systématique de tout ce qui peut favoriser l’épanouissement harmonieux des familles ressemble fort à un suicide collectif. Les nations ont besoin de familles stables, fortes, soudées, unies,
fondées sur le droit naturel, pour retrouver leur place et leur vocation. Les états, plutôt que de chercher à se substituer aux familles défaillantes, doivent au contraire, comme société parfaite, procurer aux familles tout ce qui est nécessaire à l’accomplissement de leur mission divine.
L’aide de l’état ne doit en aucun cas exclure les initiatives privées pour respecter le principe de subsidiarité. C’est au nom de ce principe qu’il est légitime, et c’est même un devoir, d’apporter une aide aux parents en respectant toutefois la limite intrinsèque infranchissable tracée par la prévalence de leur droit et par leurs possibilités concrètes.
Conclusion
Jean-Paul II, dans « Familiaris Consortio », exhorte vivement les familles à un engagement politique réel pour défendre les droits de la famille et développer une véritable politique familiale. « Le rôle social de la famille est appelé à s’exprimer sous forme d’intervention politique : ce sont les familles qui en premier lieu doivent faire en sorte que les lois et les institutions de l’État, non seulement s’abstiennent de blesser les droits et les devoirs de la famille, mais encore les soutiennent et les protègent positivement. Il faut à cet égard que les familles aient une conscience toujours plus vive d’être les «protagonistes » de ce qu’on appelle « la politique familiale » et qu’elles assument la responsabilité de transformer la société ; dans le cas contraire, elles seront les premières victimes des maux qu’elles se sont contentées de constater avec indifférence. »
DOMUS CHRISTIANI