Ne serait-ce pas faire tort au Christ, l’Époux de l’Église, que de consacrer une méditation aux liens de celle-ci avec l’Esprit Saint ? Nous ne le croyons pas ! Comme nous y invite un récent document romain, nous établirons ces liens en suivant les « quatre notes » de l’Église. Mais apportons au Pèlerinage les textes du Nouveau Testament, afin d’illustrer les notes trop synthétiques que voici, et prolonger notre méditation.
I) L’ESPRIT SAINT, « ÂME » DE L’ÉGLISE
A) La nécessaire Pentecôte ; naissance « visible » de l’Église
« Tout est consommé » peut s’écrier le Christ du haut de la Croix (Jn 19 30) ! Mais bientôt le Seigneur devra remonter vers son Père. Car la patrie de Jésus ressuscité, c’est la Gloire du Père (Cf. Jn 17 1-5) Tout serait donc fini ? Non, car l’Église, prolongeant la mission du Fils, va paraître visiblement. Cette naissance « manifestée, officiellement proclamée » (Pie XII) se fera à la Pentecôte. L’Église continue ainsi l’œuvre du Sauveur, en dispensant le message et la fécondité salvatrice.
B) L’Église Corps Mystique, « animée» par le Saint-Esprit
La Trinité habite l’Église, « in-habite » en elle. Le Fils a reçu mission du Père, il en est la Tête, le Chef. L’Esprit Saint, « Esprit du Fils », en sera le principe unificateur, l’âme, selon la forte parole du Pape Léon XIII : « Si le Christ est la Tête de l’Église, le Saint-Esprit en est l’âme »31.
II) L’ESPRIT SAINT, PRINCIPE DE L’ÉGLISE UNE ET CATHOLIQUE
Jésus, maître de Vérité, est remonté vers son Père. Tout menace alors l’édifice fondé, car les disciples sont sans expérience. L’Esprit Saint va être dans l’Église naissante et au cours des âges, principe de vie et d’action, principe de Force et d’Unité, d’Universalité et de Vérité.
A) L’Église, UNE, en vertu de l’Esprit Saint
« Écoutez, mes frères, s’écrie saint Augustin, l’Esprit qui fait vivre tout homme s’appelle l’âme Voyez ce que fait l’âme dans le corps. Elle vivifie tous les membres. Ainsi dans l’Église de Dieu en tels saints elle fait des miracles, en tels saints elle prêche la vérité, en tels saints elle garde la virginité, en tels saints elle observe la pudeur conjugale. Chacun a son œuvre propre, mais tous ont pareillement la vie »32.
Ainsi, l’Esprit Saint, âme de l’Église, lie les divers âges de l’Histoire. Il vit en saint Pierre le Juif, en Augustin le Berbère, en Rose de Lima au Pérou, en Jean Bosco le Turinois, en Thérèse, le jeune Docteur de Lisieux …« L’Esprit Saint, un et le même, remplit et unit l’Église par son influence », dit saint Thomas33.
B) Cf. saint Paul aux Corinthiens : 1 Co 12
La diversité de l’Église dans son Unité inaltérée (malgré les dissensions, les divisions) s’explique par l’Esprit Saint. « Si l’Esprit n’était pas là, l’Église ne subsisterait plus ; mais si l’Église subsiste, il est manifeste que l’Esprit s’y trouve ». Saint Jean Chrysostome, qui prononce ces paroles, a bien raison ! Le Christ est toujours celui qui nous maintient dans l’unité, par l’œuvre de son Esprit, âme du Corps Mystique
C) Unité de doctrine et de prédication
Les paroles de Notre Seigneur sont formelles : « J’ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter à présent. Mais quand II viendra, lui, l’Esprit de vérité, Il vous introduira dans la vérité tout entière »
(Lire tout le passage : Jn 16 12-15; puis Jn 1425-26).
Ainsi l’Esprit Saint va protéger l’unité de doctrine, tout au long de siècles troublés par tant d’hérésies, d’erreurs mortelles pour la foi.
– « Il a paru bon à l’Esprit Saint et à nous » peut dire saint Pierre à l’issue du premier Concile de Jérusalem (Ac 15 28). Aux temps apostoliques, l’Esprit Saint a octroyé aux Apôtres des lumières de révélation et, pour les rédacteurs des textes du
Nouveau Testament, une inspiration…
– Mais aujourd’hui ? Certes la Révélation est close lorsque meurt saint Jean, dernier des Apôtres à quitter cette terre. Mais l’Esprit ne reste pas inactif. On peut parler d’assistance de l’Esprit Saint. Sa lumière a été promise aux successeurs de Pierre en
vue de les secourir « non sans doute par voie de révélation, pour qu’ils publient quelque nouvelle doctrine, mais par voie d’assistance, pour qu’ils gardent saintement et exposent fidèlement la révélation transmise par les apôtres, à savoir le
dépôt de la foi ». Ce texte du Concile Vatican est formel : l’Esprit assiste le Magistère de l’Église, non pour créer, mais pour transmettre la Vérité reçue du Seigneur. C’est le pouvoir déclaratif, « magistériel » de l’Église hiérarchique.
Reste que nos Pasteurs ont une aide particulière de l’Esprit Saint pour protéger la Vérité révélée dans cette société qu’est l’Église c’est une assistance « prudentielle », en matière législative, canonique, judiciaire. Elle n’est infaillible qu’en certains cas, d’ordre universel, et, nous l’avons bien compris, lorsque l’Église reste dans sa tâche de protectrice du dépôt transmis par les apôtres.
31 Encyclique Divinum illud munum. Saint Thomas ne parlait pas autrement, dans son Commentaire du Credo : « l’Église catholique ne forme qu’un corps, composé de divers membres : l’âme qui vivifie ce corps est l’Esprit Saint ».
32 Saint Augustin, Sermon 267,4
33 Saint Thomas, de Veritate, q 29, a 4
III) L’ÉGLISE, CATHOLIQUE DANS LA PLÉNITUDE DE L’ESPRIT SAINT
Le terme de catholique vient, vous le savez, du mot grec qui signifie universel. Qu’est-ce à dire, sinon affirmation d’une plénitude ?
A) Plénitude d’être
« En ce sens fondamental, l’Église était catholique au jour de la Pentecôte et le sera jusqu’au jour de la Parousie », quand reviendra le Christ en Gloire (C.E.C. n° 830). Le « Temps de l’Église » inauguré à la Pentecôte est le temps de la plénitude « de l’Esprit du Fils ». Ce fut l’erreur des Montanistes, des Manichéens puis de Joachim de Flore au XIIème siècle, de croire à un « Âge de l’Esprit » qui succéderait à la « Loi Nouvelle du Fils ». Non ! répond saint Thomas d’Aquin : « Il n’y a pas à attendre un autre état à venir où la grâce de l’Esprit Saint serait possédée plus parfaitement qu’elle ne l’a été jusqu’ici, notamment par les apôtres » (I-II q 106 a 3). Bref, n’attendons pas un New-Age d’effusion de l’Esprit !
B) Catholicité dans l’Espace et dans le Temps
C’est à l’Esprit Saint qu’est aussi attribuée cette universalité qui rassemble en l’Église toutes races et toutes nations, greffant toute âme sur le Christ par le baptême. Oui, par l’Esprit Saint, l’Église est vraiment « rassemblée des quatre vents » (saint Augustin) ; elle passe en quelque sorte au-dessus des frontières de nos diversités naturelles et légitimes. L’Esprit Saint ne fit-il pas ainsi dès
la Pentecôte, alors que saint Pierre parlait à la foule ? De fait, chacun l’entendait dans sa langue (Cf. Ac 2 48 ; Ac 10 44-48 : appliquer, avec mesure, au Pèlerinage).
IV L’ESPRIT SAINT, PRINCIPE D’AMOUR SANCTIFICATEUR DANS L’ÉGLISE
Puisse l’Esprit de Dieu nous aider à contempler quel amour le Christ dépose en son Église, qui est « Épouse » et « Mère » pour nous enfanter à la Vie divine !
A) Le « Cœur »
Saint Thomas écrit : « La Tête est extérieurement supérieure aux autres organes, mais le cœur exerce comme une influence cachée. Aussi, est-ce aussi au cœur qu’il faut assimiler l’Esprit Saint qui, dans le secret, vivifie et unit l’Église » (III q 8 a 1 ad 3). Ainsi l’Esprit Saint du Christ est en l’Église « principe de tout acte vital et salutaire » (Pie XII). Ne chantons-nous pas cette vérité dans le Credo, à la Messe : « Je crois au Saint-Esprit, qui est Seigneur et qui donne la Vie » ?
B) Renaître dans l’Église par le Baptême
L’Église a reçu l’Esprit Saint pour nous enfanter, comme une Mère, à la grâce. Oui, nous naissons à cette vie surnaturelle par le baptême « dans l’eau et dans l’esprit ». L’Église, à chaque baptême, est comparable à Élisabeth : « l’enfant tressaille en son sein et elle est remplie du Saint-Esprit » (Lc 1 41). Cet Esprit est donné afin que nous soyons « conformés au Christ » comme fils adoptifs très aimés de Dieu34.
« C’est cet Esprit que le Christ nous a mérité sur la croix par l’effusion de son sang ; c’est cet Esprit qu’en soufflant sur les Apôtres il a donné à son Église pour la rémission des péchés « , écrit encore Pie XII35. Et le Pape Jean Paul II exprime avec clarté cette continuité de l’action sanctificatrice attribuée au Saint-Esprit : « La grâce de l’Esprit Saint continue à être transmise par l’ordination épiscopale. Puis, par le sacrement de l’ordre, les évêques font participer les ministres sacrés à ce don spirituel, et ils font en sorte que
tous ceux qui sont renés de l’eau et de l’Esprit en soient fortifiés, par le sacrement de la confirmation ; d’une certaine façon, la grâce de la Pentecôte est ainsi perpétuée dans l’Église »36
C) Sanctification et œuvre de conversion
Les Actes ne laissent aucun doute sur l’auteur de la conversion des Apôtres. Il faudrait tout citer, relire la scène de Pentecôte (Ac 2 14-24), évoquer les arrestations de Pierre et des apôtres (Ac 4 8-12 ; 5 29-32 : textes à lire en marchant).
Pierre – pour n’évoquer que lui -, Pierre, l’auteur du triple reniement de ce terrible Jeudi-Saint, Pierre, enfin consacré solennellement en sa charge de Prince des Apôtres, se lève désormais, comblé des dons de force et de science, pour affirmer avec puissance et calme la Vérité dans laquelle l’Esprit de Pentecôte vient de l’introduire : « Alors Pierre, rempli de l’Esprit Saint, leur répondit : chefs du peuple et anciens, sachez-le bien, vous tous » (Ac 8-10).
Combien de fois, dans l’Histoire de l’Église, dans la geste des saints, n’avons nous pas ainsi perçu l’Esprit à l’œuvre ? Jeanne d’Arc face à ses juges, Théophane Vénard devant ses bourreaux, le Curé d’Ars en sa paroisse … La scène de Pentecôte se prolonge dans l’histoire avec la même fécondité.
34 Cf.Rm814-17 et Ep4 4-15
35 Pie XII, Encyclique Mystici Corporis
36 Encyclique Dominum et Vivificantem, 1986, n° 25
V) MISSIONNAIRE DE LA TRINITÉ, L’ÉGLISE APOSTOLIQUE
A) L’Esprit envoyé par le Père et le Fils
Un apôtre, un missionnaire, c’est un envoyé. Le premier missionnaire de la Trinité, c’est le Fils envoyé dans le monde pour nous sauver. Mais : « Le Paraclet que je vous enverrai, dit Jésus, c’est l’Esprit de Vérité qui procède du Père, et qui rendra témoignage de moi » (Jn 1526). Ainsi l’Esprit du Fils est aussi un envoyé, et la Pentecôte sera le jour de la « mission visible » de l’Esprit Saint.
B) Mission des Apôtres – et des Baptisés – mus par l’Esprit du Fils
« Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie, dit Jésus. Et II souffla sur eux et leur dit : Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20 22). Jésus envoie l’Église en mission et, de Jérusalem, dans un grand mouvement d’expansion, les disciples partiront pour porter l’Évangile jusqu’aux confins de la terre, sur toute nation, sur toute culture. « Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples, les
baptisant au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » (Mt 28 19).
Si nous gommons le rôle de l’Esprit Saint et de ses dons, l’aventure missionnaire de ces deux millénaires restera inintelligible à nos regards bornés. Comment en effet expliquer l’activité d’un saint Maximilien Kolbe (qui vivait avec un quart de poumon) ou d’un saint Laurent Imbert, sans le don de force ? Comment expliquer le rayonnement du saint Curé d’Ars sans les dons de
conseil et d’intelligence ?
Et nous-mêmes ? Nous devons être apôtres, et convaincre le « monde de son péché » (Jn 16 8). Mais Jésus sait nos difficultés, nos lenteurs. Nous avons dans l’Église et au cœur de nos vies le Paraclet, c’est-à-dire l’Avocat, le Défenseur, l’Intercesseur, « je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet (Jésus était le premier « Paraclet « , le premier Défenseur) pour être avec vous à jamais » (Jn 1416)37 .
Ainsi, écrit le P. Lavocat : « Nous ne sommes en définitive que des collaborateurs de cet Esprit, ses humbles, dociles et libres nstruments ». S’enraciner dans le vie de prière, être souple aux sollicitations de la grâce, aux « clins d’œil » de la Providence (si tant est que nous ayons demandé à l’Église, par ses prêtres, d’aider notre regard à ne point être myope !), voilà déjà des conditions nécessaires pour être mus par l’Esprit Saint.
VI CONCLUSION
L’Église est le Corps Mystique du Christ. L’Église est le Temple de l’Esprit Saint. Ainsi l’Église chemine vers la maison du Père, sur les chemins rocailleux de ce pèlerinage terrestre. Enveloppée dans le mystère de l’Esprit, elle attend le dernier Avènement du Christ Seigneur, sa Parousie. Elle est l’« Épouse » attendant l’Époux, le Christ. Et saint Jean – encore lui – écrit en son Apocalypse (22 17) : « l’Esprit et l’Épouse disent : « viens » ! » (en araméen Maranatha ).
CHANOINES REGULIERS
DE LA MÈRE DE DIEU
OPUS MARIAE
37 Tout le chapitre 14 de l’Évangile de Saint Jean serait à méditer