Pie XII aux Jeunes Époux…
L’AUTORITÉ EFFICACE
L’exercice normal de l’autorité ne dépend pas seulement de ceux qui doivent obéir, mais aussi, dans une large mesure, de ceux qui ont à commander. En d’autres termes : autre chose est le droit à détenir l’autorité, le droit de donner des ordres, et autre chose la supériorité morale qui constitue et rehausse l’autorité effective, opérante, efficace, qui réussit à s’imposer aux autres et obtient de fait l’obéissance.
Le premier droit vous est conféré par Dieu lui-même, dans l’acte même qui vous rend père et mère ; la seconde, prérogative, il faut l’acquérir et la conserver ; elle peut se perdre comme elle peut s’accroître. Or le droit de commander à vos enfants obtiendra d’eux bien peu de chose, s’il n’est accompagné de ce pouvoir et de cette autorité personnelle sur eux, qui vous assurera une obéissance réelle.
Comment, par quel art savant, pourrez-vous donc acquérir, conserver et faire grandir un tel pouvoir moral ?
Dieu accorde à certains le don naturel de commandement, le don de savoir imposer à autrui sa propre volonté. C’est un don précieux : réside-t-il tout entier dans l’esprit, ou en grande partie dans la personne, le comportement, la parole, le regard, le visage ? Il est souvent difficile de le dire. Si vous le possédez, n’en abusez pas dans vos rapports avec vos enfants : vous risqueriez d’emprisonner leur âme dans la crainte, d’en faire des esclaves et non des fils aimants. Tempérez cette force par l’effusion d’un amour qui réponde à leur affection, par une bonté douce, patiente, empressée, encourageante. Écoutez le grand apôtre Saint Paul qui vous exhorte : « Pères, ne provoquez pas vos enfants à la colère, de peur qu’ils ne perdent courage ». Parents, souvenez-vous que la rigueur mérite un éloge seulement lorsque le cœur est doux.
LA MAITRISE DE SOI
Joindre la douceur à l’autorité, c’est vaincre et triompher dans cette lutte où vous engage votre rôle de parent. Du reste, pour tous ceux qui commandent, la condition fondamentale d’une maîtrise bienfaisante sur la volonté d’autrui, c’est la maîtrise sur soi-même, sur ses propres passions et impressions.
Une autorité, quelle qu’elle soit, n’est forte et respectée que lorsque les esprits des sujets la sentent dirigée dans ses mouvements par la raison, par la foi, par le sentiment du devoir : car alors, les sujets sentent pareillement que leur devoir doit répondre à celui de l’autorité.
Si les ordres que vous donnerez à vos enfants, si les réprimandes que vous leur adresserez, procèdent des impressions du moment, de mouvements d’impatience, d’imaginations ou de sentiments aveugles ou irréfléchis, ces ordres ne pourront qu’être, la plupart du temps, arbitraires, incohérents, peut-être même injustes et inopportuns. Aujourd’hui vous serez pour ces pauvres petits d’une exigence déraisonnable, d’une sévérité inexorable ; demain, vous laisserez tout passer. Vous commencerez par leur refuser un rien, et le moment d’après, fatigués de leurs pleurs ou de leur bouderie, vous le leur accorderez avec des démonstrations de tendresse, pressés d’en finir une bonne fois avec une scène qui vous irrite les nerfs.
Pourquoi donc ne savez-vous pas dominer les mouvements de votre humeur, mettre un frein à votre fantaisie, vous conduire vous-mêmes alors que vous
entreprenez de conduire vos enfants ? Si, à un moment donné, vous croyez ne pas vous sentir parfaitement maîtres de vous-mêmes, remettez à un moment meilleur la réprimande que vous voulez faire, la punition que vous pensez devoir infliger. Dans la fermeté paisible et tranquille de votre esprit, votre parole et le châtiment trouveront une tout autre efficacité, plus de pouvoir éducateur et plus d’autorité, que n’en sauraient avoir les éclats d’une passion mal dominée.
CE QUI AMOINDRIT L’AUTORITÉ
Gardez-vous donc de tout ce qui pourrait amoindrir votre autorité auprès d’eux. Gardez-vous de gaspiller cette autorité en les habituant à de continuelles,
insistantes recommandations et observations qui finissent par les lasser ; ils feront la sourde oreille et n’y attacheront plus aucune importance.
Gardez-vous de jouer ou de tromper vos enfants avec des raisons ou explications fallacieuses et sans consistance, données au petit bonheur, pour vous tirer d’embarras et vous débarrasser de questions importunes. S’il ne vous paraît pas bon de leur donner les vraies raisons d’un ordre, mieux vaudra faire appel à leur confiance en vous, à leur amour pour vous.
Ne faussez pas la vérité, au besoin taisez-la ; vous ne soupçonnez peut-être même pas quels troubles et quelles crises peuvent naître dans ces petites âmes le jour où elles viendront à constater qu’on a abusé de leur naturelle crédulité.
Gardez-vous aussi de laisser transparaître le moindre signe de désunion entre vous, la moindre différence entre vous dans la façon de traiter vos enfants ; ils s’apercevraient bien vite qu’ils peuvent se servir de l’autorité de la mère contre celle du père, ou du père contre la mère, et ils résisteraient difficilement à la tentation d’employer cette divergence à satisfaire toutes leurs fantaisies.
Gardez-vous enfin d’attendre que vos enfants aient grandi en âge pour exercer sur eux une autorité, bonne et calme, mais en même temps ferme et nette, qui ne cède à aucune scène de larmes ou de colère.
AUTORITÉ NÉE DE L’AMOUR
Ce sera une autorité sans faiblesse que la vôtre, mais une autorité née de l’amour, toute imprégnée et soutenue par l’amour. Soyez les premiers maîtres et
les premiers amis de vos enfants. Si vraiment c’est l’amour paternel et maternel qui inspire vos ordres –un amour chrétien à tous égards et non une complaisance égoïste plus ou moins inconsciente -, vos enfants en seront touchés et ils lui répondront au fond de leur âme sans que vous ayez besoin de beaucoup de paroles : car le langage de l’amour est plus éloquent par le silence de l’action que par les accents des lèvres.
Mille petits signes, une inflexion de voix, un geste imperceptible, une légère expression du visage, un signe d’approbation leur découvriront, mieux que toutes les protestations, quelle affection inspire une défense qui les afflige, quelle bienveillance se cache dans une recommandation qui les ennuie : alors la parole de l’autorité apparaîtra à leur cœur non comme un fardeau pesant ou un joug odieux qu’il faut secouer le plus tôt possible, mais bien comme la suprême manifestation de votre amour.
L’EXEMPLE
Et l’amour, ne s’accompagnera-t-il pas de l’exemple ? Comment les enfants, naturellement prompts à imiter, pourraient-ils apprendre à obéir s’ils voient en
toute occasion leur mère ne faire aucun cas des ordres de leur père ou même se plaindre de lui ? S’ils n’entendent, entre les murs de la maison, que critiques
irrespectueuses de toute autorité ? S’ils remarquent que leurs parents sont les premiers à ne pas accomplir les commandements de Dieu et de l’Église ?
Faites qu’ils aient au contraire sous les yeux un père et une mère, qui dans leur façon de parler et d’agir, donnent l’exemple du respect des autorités légitimes, de la fidélité constante aux propres devoirs. Un exemple si édifiant leur apprendra, plus utilement que la plus étudiée des exhortations, ce qu’est la véritable obéissance chrétienne et comment ils devront la pratiquer eux-mêmes envers leurs parents.
Soyez persuadés, chers nouveaux époux, que le bon exemple est le plus précieux patrimoine que vous puissiez donner et léguer à vos enfants. C’est la vision ineffaçable d’un trésor d’œuvres et de faits, de paroles et de conseils, d’actes pieux et de démarches vertueuses, qui restera toujours vivante, imprimée dans leur mémoire et leur esprit, comme un des souvenirs les plus émouvants et les plus chers, qui rappellera et ressuscitera pour eux vos personnes aux heures de doute et d’hésitation entre le bien et le mal, entre le danger et la victoire.
Aux heures troubles, quand le ciel s’assombrira, vous leur réapparaîtrez comme à un horizon lumineux qui éclairera et dirigera leur chemin grâce au chemin déjà fait par vous, parcouru dans ce travail et ces peines qui sont le prix du bonheur d’icibas et du ciel.
Est-ce là un rêve ? Non ! La vie que vous commencez avec votre nouvelle famille n’est pas un rêve : c’est un sentier où vous marchez, investis d’une dignité et d’une autorité qui veulent être une école et un apprentissage pour les enfants de votre sang qui y marcheront après vous.
Que le Père céleste, qui, en vous appelant à participer à la grandeur de sa paternité, vous a communiqué aussi son autorité, daigne vous accorder de l’exercer, à son imitation, dans la sagesse et l’amour !
Bibliographie
I. Textes du Magistère sur l’éducation
‐ Textes scripturaires cités : Luc 2, 42-51 ; Jn 4, 34 ; Jn 6,38 ; Jn 8, 29 ; Mt 26,39 ; Mt 28,18 ; Act 4,19 ; He 5, 7-8 ; He 10, 5-10 ; Phil 2, 8-10.
‐ Somme théologique, St Thomas d’Aquin (en particulier le traité des vertus Ia IIae qu. 49 à 70).
‐ Catéchisme du Concile de Trente.
‐ Catéchisme de Saint-Pie X.
‐ Catéchisme de l’Église Catholique (1992), CEC n°1701 et 1707 (le péché originel) ; n° 1716 et suivants (la béatitude) ; n° 1803 et suivants (les vertus).
‐ Compendium de la doctrine sociale de l’Église, n° 238-243.
‐ Encyclique « Divini illius Magistri », Pie XI (1229), sur l’éducation chrétienne de la jeunesse (spécialement la condamnation du naturalisme pédagogique).
‐ Déclaration « Gravissimum educationis », Vatican II (1965), sur l’éducation
chrétienne (voir extraits dans ce dossier).
‐ Exhortation apostolique « Familiaris consortio », Bx Jean-Paul II (1981), sur les tâches de la famille dans le monde d’aujourd’hui (spécialement n°36 à 40).
‐ Discours « aux jeunes d’aujourd’hui », Bienheureux Jean-Paul II, Sarment /Fayard 1990.
‐ Exhortation apostolique « Vita consecrata », Bx Jean-Paul II (1996), sur la vie consacrée (spécialement Ch I 1 Louange de la Trinité).
‐ Discours au congrès ecclésial de Rome, Benoît XVI.
II. Sur l’éducation : réflexions et guides pratiques
‐ « L’Église et l’éducation », Jean de Viguerie, professeur émérite des Universités, éd. DMM 2010. Voir également, du même auteur : « Les pédagogues. Essai historique sur l’utopie pédagogique » 2011.
‐ « Les 9 fondamentaux de l’éducation », Père Yannik Bonnet, éd. Petite renaissance, collection pratique 2007
‐ « Être heureux au travail » Père Yannik Bonnet, éd. Presses de la Renaissance 2006,
‐ « Les hommes acteurs dans la stratégie de l’entreprise », Père Yannik Bonnet éd. Liaisons 1993
‐ « le défi éducatif », Père Yannik Bonnet, éd Fleurus 1989.
‐ « Éduquer aujourd’hui pour demain », Père Jean-Marie Petitclerc, éd.Salvator 2010.
‐ « Éduquer des êtres libres », Mgr Chauvet, éd. Paroles et silence, 2001.
‐ « La famille : héritage ou avenir ? » Conférences de carême 2011. Présentation par le Cardinal André Vingt-trois, Archevêque de Paris, éd. Paroles et silence, particulièrement la 3ème conférence sur « Paternité, maternité, fraternité » et la lettre pastorale du cardinal « la famille et la jeunesse » 2010, qui est jointe.
‐ « Au cœur de l’amour », Père Marie-Dominique Philippe, fondateur des frères de St-Jean.
‐ « Construire sa personnalité », Père Pascal Ide, docteur en médecine, docteur en philosophie, maître en théologie, édit Sarment/Fayard, 1991.
‐ « L’art d’être parents et grands-parents », Père Denis Sonet, conseiller conjugal et formateur au CLER, collection livre ouvert, 2001.
‐ « la volonté de Dieu, devoir et bonheur », chanoine Albert Pasteau.
‐ « Vers la maturité spirituelle », un Chartreux, Presses de la renaissance.
‐ « Le temps des forces vives chez l’adolescent », Père Thomas Philippe, éd. Saint-Paul.
‐ « Former la personnalité de l’enfant » James B. Stenson, collection Laurier 2000.
‐ « lettre aux 18-20 ans de l’an 2000 », un moine, éd. Sainte-Madeleine du Barroux.
‐ « la foi en famille », Christine Ponsard, éd. Edifa 2006. Huit tomes regroupant ses chroniques hebdomadaires dans « Famille Chrétienne ». Le tome titré
« grandir dans la lumière de Dieu » est une mine d’idées et de conseils pour aider à l’éducation chrétienne des. enfants et des adolescents.
‐ « Éduquer pour le bonheur », Monique Berger, éd. Transmettre / communication et cité 2012.
‐ « La vie dans la Seigneurie du Christ », Raniero Cantalamesa, éd. Cerf.
‐ «L’esprit d’obéissance », A.M. Crignon, in revue « Sedes Sapientiae » Chéméré n°114.
‐ « Mon journal de sage-femme », Lisbeth Burger, éd. Chiré 2004.
‐ « Transmettre l’amour, une éducation à l’écoute de l’enfant », Dr Paul Lemoine, pédiatre, éd. Nouvelle cité, 11e édition 1997.
‐ « Lettres à mes petits-enfants sur des sujets qui fâchent », Général Delaunay, fondateur de l’association « France Valeurs » d’inspiration chrétienne éd. Tequi 2001.