« LE SERPENT ET L’AGNEAU »
Le Serpent et l’Agneau… Ce n’est pas une fable de La Fontaine, ou le thème d’un conte oriental ! Le Serpent et l’Agneau, ce sont les deux grands adversaires, engagés dans une lutte titanesque dont nous sommes l’enjeu ardemment convoité.
Nous ne nous en rendons pas assez compte : il se livre en nous et autour de nous un combat sans merci, opposant le diable, ce serpent venimeux, au Christ, le doux Agneau sacrifié pour nous sauver. En sommes-nous vraiment conscients ?
Savons-nous les efforts que le Christ déploie pour nous, et souvent malgré nous ? Ce n’est pas une légende : il y a du sang qui coule. Par sa mort, le Christ nous a délivrés de la mort. Si nous le souhaitons. Ou plutôt si nous le voulons, les armes à la main. Ne craignons pas ce combat. N’ayons pas peur de la mort, avec et pour le Christ. Mais craignons la mort sans ou contre le Christ, celle qui clame que « Dieu est mort ». C’est cette mort qui est en train d’étendre son empire sur notre société soi-disant civilisée. « C’est par le péché que la mort est entrée dans le monde » écrit Saint Paul. C’est par le péché que la mort imprègne notre société. Du rock gothic aux jeux-vidéo satanistes, en passant par Halloween ou la vogue des films d’horreur, se répand partout le goût du macabre et du morbide : on rend un culte à la mort. Elle est cultivée : c’est la « thanatoculture », la culture de mort, avec ses symptômes effrayants : avortement, suicide, euthanasie. Progrès social ? Libération des mœurs ? Ne seraient-ce pas plutôt les signes sinistres d’un « monde en fuite », une société sans repère, dont personne ne sait où elle va : c’est une société incapable de donner un sens à la vie, coupée de son passé et inconsciente de son avenir, réfugiée dans l’hédonisme du moment présent.
Comment ne pas souscrire au jugement du Cardinal Ratzinger : « Une société qui a fait une affaire privée de ce qui est essentiel à l’être humain et se déclare elle-même totalement profane, une telle société devient triste par nature et constitue un lieu de désespoir, car elle est fondée sur une réduction le la dignité de l’homme. Une société dont l’ordre public est déterminé de façon conséquente par
l’agnosticisme n’est pas une société libérée, mais une société désespérée, marquée par la tristesse de l’homme fuyant Dieu et en contradiction avec lui-même. Une Eglise qui n’aurait pas le courage de mettre en relief le niveau de l’être humain dans
la société cesserait d’être le sel de la terre, la lumière du monde, la ville située sur la montagne. »
Il faut donc, et c’est le seul remède à la culture de mort, que l’Eglise se dresse et lui oppose la Civilisation de l’Amour, comme une mère sauve son enfant désespéré du suicide qu’il prépare, par un amour renouvelé.
La Civilisation de l’Amour, c’est le nom moderne de la Chrétienté, cette source de vie où le Christ, découvert dans le passé,
illumine le futur et transfigure le présent. Le monde en fuite devient un monde en marche, et l’homme cesse de courir dans tous les sens, pour se mettre en pèlerinage, sûr de son but, confiant dans son Dieu. « L’aspect le plus sinistrement typique de l’époque moderne se trouve dans la tentative absurde de vouloir bâtir un ordre temporel solide et fécond en dehors de Dieu, unique fondement sur lequel il puisse subsister. » Ces mots du Bienheureux Jean XXIII sont une invitation à nous réveiller.
Qu’attendons-nous ? Que la Civilisation de l’Amour tombe du Ciel parce que nous nous lamentons sur le malheur des temps ? Mais Dieu ne transformera pas en chrétienté une société où les chrétiens eux-mêmes se font les alliés, inconscients mais réels, de la culture de mort. Nous aimerions que vienne la chrétienté, et qu’elle nous donne des saints. Mais ce sont les saints qui font la chrétienté.
Nous sommes directement responsables, par notre médiocrité, par notre foi timide et notre charité mesurée, du monde dont nous avons le culot de nous plaindre. N’était-ce pas déjà le constat de Saint Pie X ?
Mollesse, tiédeur, torpeur : il faut nous secouer. Nous hésitons, persuadés que nous ne trouverons pas en nous l’énergie nécessaire, l’indispensable générosité. « Sans moi vous ne pouvez rien faire » nous dit Notre-Seigneur. Nous ne le savons que trop ! Mais sommes-nous persuadés qu’avec Lui nous pouvons tout ?
Le Christ nous offre sa Grâce. Il nous offre de lutter pour nous, avec nous, en nous. Il le fait de façon tangible en nous proposant les sacrements, et tout spécialement celui qui nous confère sa force et nous assure de son appui. Les germes de la culture de mort poussent dans nos âmes, comme un pavot spirituel, enivrant mais mortifère. Il faut les arracher, nous purifier : c’est ce que fait pour nous le Christ dans le sacrement de pénitence. « Le salaire du péché c’est la mort » affirmait Saint Paul. Le don de la confession, c’est la vie. Sachant que toute âme qui s’élève élève le monde, négligerons-nous ce moyen si simple de faire reculer la culture de mort ?
Croyons-nous en la communion des saints ? Savons-nous le bien qu’en nous confessant nous pouvons faire à nos familles, à notre milieu de vie, à notre société ? Pourquoi le bien ne deviendrait-il pas contagieux ?
Un pèlerin de Chartres avait constaté en son temps que le monde courait à sa ruine parce qu’il était non pas athée mais « auto-thée ». Ne soyons pas à nous-mêmes nos propres dieux, ce que propose le Serpent maléfique depuis les origines du monde. Dans la confession, que Sainte Catherine de Sienne appelait le « sacrement du sang », le Sang de l’Agneau nous purifie de ce venin mortel.
Mais il faut nous décider. Nos ancêtres ont su marcher jusqu’à Jérusalem, bravant mille périls. Allons au moins jusqu’au confessionnal ! Et rejoignons Charles Péguy dans sa conclusion si logique : « Il n’y a plus de chrétien tranquille ! Ces croisades que nos pères allaient chercher jusque sur les terres des Infidèles, ce sont elles, à présent, qui nous ont rejoints, et nous les avons à domicile. Nos fidélités sont des citadelles… Nos pères avaient besoin de se croiser eux-mêmes et de se transporter pour faire la Croisade. Nous, Dieu nous a croisé lui même – quelle preuve de confiance – pour me croisade incessante, sur place« .
Acceptons donc résolument la loi de la croisade intérieure la logique du combat spirituel. C’est en nous-mêmes que passe la frontière entre la civilisation de l’amour et la culture de mort. Repoussons-là en nous confessant. Et soyons ainsi les brebis qui s’attachent à l’Agneau, plutôt que les moutons de Panurge d’une société que guide le Serpent à sornettes !
Fraternité Saint-Pierre