Au passant étonné qui regardera tout à l’heure passer le spectacle improbable des chapitres et des bannières dans les rues de paris, et qui te demandera ce que tu peux bien faire, ainsi équipé, en ce si beau matin, tu répondras fièrement : « nous allons à Chartres ! » « A pied ? », t’interrogera-t-il, incrédule – « Oui, à pied. 100 kms, monsieur, et pour le Bon Dieu ! » Cela te donnera le sourire, et du courage. Tu sais qu’il t’en faudra pour achever ta route. Car c’est tout de même un peu fou. Marcher 3 jours, manger peu, dormir encore moins, perdre ta voix, affronter les ampoules, la fatigue, et le soleil tapant. Oui, cette route tu l’appréhende, une partie de toi-même te dis que c’est folie, et pourtant nous sommes là, plus nombreux encore, avec le sourire en plus.
Le pèlerinage de Chartres est à lui-même une preuve de l’existence de l’âme, de cette dimension spirituelle de l’homme qui a soif d’absolu, et ne se satisfait pas des plaisirs qu’apporte le confort et le matérialisme.
Plus encore, le pèlerinage de Chartres est une preuve de l’existence de Dieu et de son action en nous. Car le pèlerin de Notre Dame sait que, lorsque Chartres sonne, la grâce accoure, répondant à l’appel, et qu’il va être baigné et lavé, pendant 3 jours, par le surnaturel, s’il se laisse faire. Combien de conversions, à Chartres, de décisions radicales, de changement de vie, de choix de vocation, d’affermissement de la foi ! Oui, L’Esprit Saint plane sur la colonne ce matin, et si nous sommes dociles, nous entendrons sa voix.
Ami pèlerins, à Chartres comme dans ta vie, tu es un voyageur. « Viator », disait saint Thomas, qui t’accompagne aujourd’hui. A tout voyageur, sa nourriture : la tienne sera l’Eucharistie. « Ecce panis angelorum », « voici le pain des anges qui s’est fait nourriture pour le voyageur. » Oui, l’Eucharistie est le salut des âmes, elle est le pain des forts, non pas de ceux qui sont forts, mais de ceux qui veulent le devenir et le rester par la grâce de Dieu. Hélas, cette Eucharistie pour lesquels les martyrs n’ont pas hésité à donner leur vie, cette Eucharistie est malmenée aujourd’hui. Depuis les confinements et la suppression des messes publiques, certains nous expliquent que la vie chrétienne pourrait se vivre sans sacrements, sans eucharistie, que de toute façon on aura de moins en moins de prêtres, qu’après tout ce n’est pas si grave, que le sacré n’est pas une notion chrétienne, qu’il faut moins de culte et plus de charité. En parallèle, se multiplie les sacrilèges eucharistiques, et diminue la foi des chrétiens dans le dogme de la présence réelle. Il ne s’agit pas ici de désigner des coupables, mais de reconnaître que nous, chrétiens, nous nous sommes sans doute affadis, habitués à l’Eucharistie ; et si l’ardeur des catholiques pour l’Eucharistie se refroidit, eux qui devraient être le sel de la terre, alors ne nous étonnons pas que le monde claque des dents et se désintéresse de la messe. Chers amis pèlerins, nous avons trois jours pour réveiller notre étonnement, notre admiration devant l’Eucharistie, retrouver l’ardeur de nos premières communions, et faire nôtre le cri des martyrs d’Abitène : sine dominico, non possumus : sans messe, nous ne pouvons pas vivre ! Car sans le sacrifice eucharistique, la vie chrétienne perd son âme. « Non, rien ne remplacera une messe pour le salut du Monde »
Ce que tu méditeras par ton intelligence, ami pèlerin, arrime-le solidement dans ton cœur. Profite au plus tôt de la confession, pour que ton âme devienne ce tabernacle vivant ou Dieu veut établir sa demeure. Profite de la magnifique liturgie traditionnelle pour te laisser enseigner, à travers ces rites et ces prières antiques qui donnent à voir l’invisible, la Présence réelle, le Sacrifice. Fuis la mondanité facile et tentante, rivalise au contraire de charité au sein de ton chapitre. N’oublie pas l’adoration du dimanche soir à Gas, le Seigneur t’y a donné rendez-vous et t’attends.
Mais surtout, que ce pèlerinage soit pour toi l’occasion de retrouver la joie profonde de la messe, qui n’est ni excitation tapageuse ni allégresse bruyante et mondaine, mais joie intérieure et silencieuse, joie de glorifier Dieu et de demeurer auprès de Lui, joie que chante le psalmiste et qui est si heureusement citée dans la première phrase de la messe traditionnelle que nous chérissons tant : « Et introibo ad altare Dei » « J’irai vers l’autel de Dieu, vers Dieu qui réjouit ma jeunesse. » En avant, ami pèlerin, vers l’autel de Dieu, bon et saint pèlerinage !
Notre Dame de paris, priez pour nous
Notre Dame de Chartres, priez pour nous
Notre Dame de la sainte Espérance, convertissez-nous.