Chers pèlerins de Notre-Dame,
Vous voilà enfin rassemblés en compagnie de vos anges gardiens, présents eux aussi par milliers, que nous saluons avec affection et reconnaissance, au terme de cet ardent pèlerinage, plein de prières, de chants et de sacrifices, et déjà certains d’entre vous ont retrouvé la robe blanche de l’innocence baptismale. Quel bonheur ! Vous voilà rassemblés par une grâce de Dieu dans l’enceinte de cette cathédrale bénie, sous le regard de Notre-Dame de la Belle Verrière, une des plus belles images de la Très Sainte Vierge. Image devant laquelle nous savons que Saint Louis est venu s’agenouiller après un pèlerinage accompli pieds nus. Est-ce que cela ne suffit pas à nous rendre le goût de nos racines chrétiennes et françaises ? Nous vous remercions, chers pèlerins, parce que, en l’honneur de cette Vierge sainte, vous vous êtes mis en marche par milliers, et ce sont des milliers de voix, sortant de milliers de poitrines, de tous les âges et de toutes les conditions, qui nous donnent ce soir la plus belle et la plus vivante image de la chrétienté. Nous vous remercions de vous présenter ainsi chaque année comme une parabole vivante ; car lorsque vous vous avancez au cours de ces trois jours de marche vers le sanctuaire de Marie, en priant et en chantant, vous exprimez la condition même de la vie chrétienne qui est d’être un long pèlerinage et une longue marche vers le paradis ! Et cette marche aboutit dans l’église, qui est l’image du sanctuaire céleste.
La vie chrétienne est une marche, souvent douloureuse, passant par le Golgotha, mais éclairée par les splendeurs de l’Esprit. Et qui débouche dans la gloire. Ah ! on peut bien nous persécuter, cependant j’interdis qu’on nous plaigne. Car nous appartenons à une race d’exilés et de voyageurs, douée d’un prodigieux pouvoir d’intervention, mais qui refuse – c’est sa religion – de laisser détourner son regard des choses du Ciel. N’est-ce pas ce que nous chanterons tout à l’heure à la fin du Credo : Et exspecto, – et j’attends – Vitam venturi sæculi – la vie du siècle à venir. Oh ! non pas un âge d’or terrestre, fruit d’une évolution supposée, mais le vrai paradis de Dieu dont Jésus parlait en disant au bon larron :
« Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis ! ».
Si nous cherchons à pacifier la terre, à embellir la terre, ce n’est pas pour remplacer le Ciel, c’est pour lui servir d’escabeau.
Et si un jour, face à la barbarie montante, nous devions prendre les armes en défense de nos cités charnelles, c’est parce qu’elles sont, comme le disait notre cher Péguy, « l’image et le commencement et le corps et l’essai de la maison de Dieu ». Mais avant même que ne sonne l’heure d’une reconquête militaire, n’est-il pas permis de parler de croisade, du moins lorsqu’une communauté se trouve menacée dans ses familles, dans ses écoles, dans ses sanctuaires, dans l’âme de ses enfants ? Aussi bien, chers amis, nous n’avons pas peur de la révolution : nous craignons plutôt l’éventualité d’une contre-révolution sans Dieu ! Ce serait rester enfermés dans le cycle infernal du laïcisme et de la désacralisation ! Il n’y a pas de mot pour signifier l’horreur que doit nous inspirer l’absence de Dieu dans les institutions du monde moderne !
Si nous cherchons à pacifier la terre, à embellir la terre, ce n’est pas pour remplacer le Ciel, c’est pour lui servir d’escabeau.
Et si un jour, face à la barbarie montante, nous devions prendre les armes en défense de nos cités charnelles, c’est parce qu’elles sont, comme le disait notre cher Péguy, « l’image et le commencement et le corps et l’essai de la maison de Dieu ». Mais avant même que ne sonne l’heure d’une reconquête militaire, n’est-il pas permis de parler de croisade, du moins lorsqu’une communauté se trouve menacée dans ses familles, dans ses écoles, dans ses sanctuaires, dans l’âme de ses enfants ? Aussi bien, chers amis, nous n’avons pas peur de la révolution : nous craignons plutôt l’éventualité d’une contre-révolution sans Dieu ! Ce serait rester enfermés dans le cycle infernal du laïcisme et de la désacralisation ! Il n’y a pas de mot pour signifier l’horreur que doit nous inspirer l’absence de Dieu dans les institutions du monde moderne !
joyeuse fête de pentecôte
Hors de l’église point de salut
u’est-ce que la Chrétienté ? Chers pèlerins, vous le savez et vous venez d’en faire l’expérience : la chrétienté est une alliance du sol et du ciel ; un pacte, scellé par le sang des martyrs, entre la terre des hommes et le paradis de Dieu ; un jeu candide et sérieux, un humble commencement de la vie éternelle. La chrétienté, mes chers frères, c’est la lumière de l’Évangile projetée sur nos patries, sur nos familles, sur nos mœurs et sur nos métiers. La chrétienté, c’est le corps charnel de l’Église, son rempart, son inscription temporelle. La chrétienté, pour nous autres Français, c’est la France gallo-romaine, fille de ses évêques et de ses moines ; c’est la France de Clovis converti par sainte Clotilde et baptisé par saint Rémi ; c’est le pays de Charlemagne conseillé par le moine Alcuin, tous deux organisateurs des écoles chrétiennes, réformateurs du clergé, protecteurs des monastères.
La chrétienté, pour nous, c’est la France du XIIe siècle, couverte d’un blanc manteau de monastères, où Cluny et Cîteaux rivalisaient en sainteté, où des milliers de mains jointes, consacrées à la prière, intercédaient nuit et jour pour les cités temporelles ! C’est la France du XIIIe siècle, gouvernée par un saint roi, fils de Blanche de Castille, qui invitait à sa table saint Thomas d’Aquin, tandis que les fils de saint Dominique et de saint François s’élançaient sur les routes et dans les cités, prêchant l’Évangile du Royaume. La chrétienté, en Espagne, c’est saint Ferdinand, le roi catholique, c’est Isabelle de France, sœur de saint Louis, rivalisant avec son frère en piété, en courage et en intelligente bonté. La chrétienté, chers pèlerins, c’est le métier des armes, tempéré et consacré par la chevalerie, la plus haute incarnation de l’idée militaire ; c’est la croisade où l’épée est mise au service de la foi, où la charité s’exprime par le courage et le sacrifice. La chrétienté, c’est l’esprit laborieux, le goût du travail bien fait, l’effacement de l’artiste derrière son œuvre. Connaissez-vous le nom des auteurs de ces chapiteaux et de ces verrières ? La chrétienté, c’est l’énergie intelligente et inventive, la prière traduite en action, l’utilisation de techniques neuves et hardies.
C’est la cathédrale, élan vertigineux, image du ciel, immense vaisseau où le chant grégorien unanime s’élève, suppliant et radieux, jusqu’au sommet des voûtes pour redescendre en nappes silencieuses dans les cours pacifiés. La chrétienté, mes frères, – soyons véridiques – c’est aussi un monde menacé par les forces du mal ; un monde cruel où s’affrontent les passions, un pays en proie à l’anarchie, le royaume des lis saccagé par la guerre, les incendies, la famine, la peste qui sème la mort dans les campagnes et dans les cités. Une France malheureuse, privée de son roi, en pleine décadence, vouée à l’anarchie et au pillage. Et c’est dans cet univers de boue et de sang que l’humus de notre humanité pécheresse, arrosé par les larmes de la prière et de la pénitence, va faire germer la plus belle fleur de notre civilisation, la figure la plus pure et la plus noble, la tige la plus droite qui soit née sur notre sol de France : Jeanne de Domrémy !