Chers Amis, clercs, religieuses, cadres et pèlerins d’hier et d’aujourd’hui
Un phare, ça donne de la lumière – ça reste debout dans la tempête -ça défie le flot et l’isolement « au péril de la mer ». Ce livre, c’est « La Force de la verité », écrit par le cardinal Müller, préfet émérite de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Son sujet tient dans le sous-titre ; « Les défis posés à la foi catholique dans un monde qui n’est plus chrétien ». L’introduction jette une lumière évangélique sur la situation où nous sommes; « L’Eglise est confrontée à une crise de la foi comme le fut Simon Pierre avant la Passion du Sauveur (…) C’est Satan et personne d’autre qui a voulu que les disciples fussent « criblés comme le froment » (Lc XXII, 31), afin que le bon grain fut séparé de l’ivraie, pour que même les gens de bien faillissent et que nul ne se tint plus auprès de Christ au milieu des tentations, des séductions et des persécutions qui sévissent dans le monde[1]».
On trouvera dans l’ouvrage, en 10 chapitres et quelques 175 pages, des réflexions argumentées sur des thèmes brûlants dans la vie de l’Eglise. Disons-le honnêtement, certains développements sont ardus, « techniques », et font appel à une bonne culture théologique et philosophique. Mais le jeu en vaut la chandelle ; ne cédons pas à la facilité, dans une ère de « réflexion en forme de tweet ». Le livre est un ami, il peut donc être exigeant dans ce qu’il a à dire ! De plus, le cardinal rattache chaque explication à un grand principe de base de l’intelligence ; la non-contradiction. Dieu ne se contredit pas, il n’affirme ni ne demande en même temps une chose et son contraire[2].
Comment recevoir et garder la « parole d’Eglise» et la «parole de l’homme d’Eglise», y compris (et surtout) s’il y a contradiction (averée) entre l’une et l’autre[3]? Le Père Augustin-Marie nous a gratifiés là-dessus d’un excellent travail l’an dernier ; à relire, sans modération. Le Cardinal reprend ce sujet majeur ; l’autorité de l’Eglise, en particulier l’autorité d’enseigner, et la valeur du Magistère[4]. Les actes du Magistère sont en lien étroit avec la Tradition de l’Eglise, selon une logique de continuité. D’où la difficulté rencontrée ces derniers temps. La médiation humaine ne produit pas d’elle-même une vérité, mais elle se borne à en porter témoignage. Et de conclure sur une heureuse référence au pape émérite Benoit XVI ; un rappel de la soumission de l’Eglise et de son chef à la Parole divine, « contre toute tentative de l’adapter ou de la diluer, et contre toute forme d’opportunisme[5] ».
Ensuite, l’analyse se porte sur les nombreux « changements » introduits ou revendiqués. En bonne philosophie, tout changement aboutit soit à un « mieux » (développement), soit à un « mal » (corruption). L’exagération des « bonnes dispositions subjectives » individuelles a abouti à de graves dérives sur de nombreux sujets de morale, dans l’Eglise (éthique de situation) et dans la cité (idéologie de déconstruction). « Au vrai, on peut pécher contre la foi catholique non seulement en niant tout ou partie de son contenu, mais en reformulant les principes formels qui permettent de la comprendre[6]». Des gnostiques aux progressistes, en passant par les crises protestantes et modernistes, la tentation est toujours la même; «transformer une violation directe des commandements de Dieu en une louable décision de conscience[7]». Il y a corruption (et non développement) lorsque « l’Eglise adopte les critères de la société moderne et se laisse assimiler par elle ». Au passage, apprécions que les évêques soient ici replacés «pas à la périphérie, mais au centre de l’orthodoxie[8]». Avec le devoir de compétence pour enseigner ou rappeler les vérités de la foi, et l’exigence de formation suffisante comme critère de nomination des successeurs des Apôtres.
« Puissions-nous trouver notre secours dans la foi et surmonter les tentations d’apostasie, de dérive schismatique ou tout simplement de résignation ; puissions-nous échapper aussi au danger de nous surestimer et de nous appuyer sur nos œuvres plutôt que sur la grâce, tel est le vœu que formule ce livre ». Merci Éminence de relever ces défis, et de nous conforter dans la foi en « insistant à temps et à contretemps, avec patience et souci d’instruire » (St Paul à Timothée)[9]! Nous faisons entièrement nôtre votre conclusion.
Amis pèlerins, ne pleurons pas sur le « côté obscur de la force » ! N’augmentons pas la « faiblesse des gens de bien », déplorée par le pape Pie XI. Rassemblons plutôt nos forces pour servir la lumière de la vérité, dans 3 directions qui nous sont chères ; Chrétienté, Tradition, Mission. Lançons ou rejoignons les initiatives variées à l’échelle nationale ou locale ; actions pro-vie et famille, défense de la liberté de l’Église catholique et des racines chrétiennes, inscriptions anciennes et nouvelles du règne du Christ dans la cité. Nous sommes plus forts si nous sommes plus unis et mobilisés.
Et puisqu’au-dessus de tout phare brille une étoile, confions-nous particulièrement en cette rentrée, à celle qui est « l’étoile de la mer… forte comme une armée rangée en bataille… Tour de David… et Vierge fidèle ».
Abbé Alexis Garnier, Aumônier Général de Notre Dame de Chrétienté.
[1] Introduction, page 11.
[2] Page 20, vers la fin.
[3] La force de la Verité, page 13, premier §.
[4] Munus docendi, un des 3 pouvoirs laissés par le Christ à son Eglise, avec celui de sanctifier par le culte et les sacrements, et de gouverner par les lois et repères pratiques, rappelant les commandements et les béatitudes.
[5] Benoit XVI, Discours de prise de possession de la chaire de Pierre, Rome, 7 mai 2005.
[6] La force... page 31.
[7] Idem.
[8] La force… p 29, fin du 1er §.
[9] Nous exprimons également notre gratitude à Mr François Rosso qui a traduit l’ouvrage et aux éditions Artège, qui ont publié cet excellent travail!