Dans sa triple mission, l’Église reçoit l’enseignement, et l’enseignement des nations. On pourrait s’interroger sur la nature de cette précision évangélique : pourquoi les nations ? Si Dieu était dans les Cieux, si son Royaume n’était pas de ce monde, si son Église n’avait qu’un pouvoir spirituel, la religion aurait ses frontières et ses limites ne dépasseraient pas les âmes individuelles.
Pour être très répandue, même en milieux catholiques, cette vision est chrétiennement fausse. Car les baptisés, peuvent dire avec Tertullien : « nous ne sommes pas en marge de la me ». Leur devoir, outre la fidélité dans l’engagement, porte sur l’augmentation du nombre des chrétiens. Pour ce faire, aucun bon missionnaire ne démentirait saint Grégoire : « De l’économie terrestre des sociétés dépend l’élargissement des voies du Ciel ». D’où l’appel aux nations, déjà contenu dans l’Ancien Testament, pour qui la société civile doit professer publiquement la vraie religion, pour la glorification divine et la sanctification humaine.
Clôturant devant Notre-Dame de Chartres le pèlerinage national de 1873, la cardinal Pie rappelait en ces termes, ce thème pour lui familier : « En créant des Nations et des peuples, en suscitant parmi eux des rois et des princes, des gouvernements et des magistrats, Dieu n’a point entendu se dessaisir de la suprême autorité, ni renoncer à ses droits sur la création sortie de ses mains… Dire que Jésus-Christ est le Dieu des individus et des familles et n’est pas le Dieu des peuples et des sociétés, c’est dire qu’il n’est pas Dieu. Dire que le christianisme est la loi de l’homme individuel et n’est pas la loi de l’homme collectif, c’est dire que le christianisme n’est pas divin. Dire que l’Église est juge de la morale privée et domestique, qu’elle n’a rien à voir à la morale publique et politique, c’est dire que l’Église n’est pas divine ».
Ce résumé magistral de la doctrine du Christ-Roi l’affirme : l’enseignement des nations cherche à établir la royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ. Elle est la couronne temporelle du mystère de l’Incarnation. Elle est la forme humaine de la souveraineté de Dieu sur nous, sans laquelle le christianisme ne peut se transmettre au plus grand nombre. Car la religion de cet animal politique qu’est l’homme, a besoin pour s’étendre et durer, que ses croyances ne soient pas contredites par des institutions nationales. Sa foi est toujours plus ou moins tributaire des héritages de la nature, des traditions nationales, du climat social, de l’humanité des arts, des lettres, des métiers, du droit et de la politique.
D’où la mission confiée par le Christ à l’Église d’enseigner les nations, de les baptiser, c’est-à-dire de les convertir pour leur conférer la vie de l’Évangile, qui est la vie même de Dieu.
Et qui s’en plaindrait puisqu’à tous les temps, l’évangélisation est la mère de la civilisation ? Pourquoi refuser à l’Église sa mission éducatrice, quand on sait que l’humanité y trouvera ses seules vraies libertés, ses seules justes lois, son bonheur durable ? Qui reproche à l’Église ses écoles et ses universités, ses cathédrales et ses cités, son influence pacificatrice, ses hospices et ses hôpitaux, ses œuvres innombrables de charité, de vérité et de beauté ? L’enseignement des nations par l’Église n’a-t-il pas protégé l’enfant, anobli la femme, humanisé l’individu ?
Séparé du christianisme civilisateur, le monde moderne, par son apostasie, s’est livré à la culture de mort. La dignité de l’homme, le salut éternel des âmes et la gloire de Dieu attendent que les successeurs des apôtres, aidés par les chrétiens, répondent à l’appel du Christ : « Allez, enseignez les nations… ». C’est le sens de la nouvelle évangélisation réclamée par le Saint Père, indispensable à l’harmonie du IIIème millénaire.
Centre Montauriol