Quittant Subiaco, Benoît alla vers le Mont Cassin, cité étrusque à mi-chemin entre Rome et Naples, siège épiscopal depuis le V siècle : elle était dominée par une colline élevée qui lui donnait son nom. C’est là que l’Abbé transféra vers 530 – il avait environ 50 ans – son monastère : le temple de Jupiter qui s’y trouvait fut transformé en abbatiale, dédiée à Saint Martin : les bâtiments conventuels purent alors être construits, non sans difficulté.
Les nouvelles du monde qui arrivaient n’étaient pas bonnes : le Pape Sylvère était dépossédé de sa Charge, la guerre des Goths ravageait toute la péninsule, la misère spirituelle et matérielle s’installait partout. Si Saint Benoît » se tenait éloigné des choses du monde « , il manifestait une active charité autour de lui, distribuant tous les biens du monastère, si bien que le Mont Cassin devint le refuge des pauvres et des opprimés.
L’Abbé put alors codifier ce qu’il élaborait depuis des années : la Règle , véritable école de sainteté, faite pour des hommes ordinaires mais prêts à répondre généreusement à l’appel de Dieu, organisée autour de l’Abbé, puisque » nous avons reçu l’esprit d’adoptés des fils en qui nous crions : Abba, Père « .
La Sainte Ecriture, les paroles et les exemples du Seigneur sont la première règle.
Selon la Règle, l’Abbé a la direction des choses spirituelles et matérielles : il occupe dans le cloître, la place du Christ lui-même. Il est ainsi le bon berger qui prend soin de son troupeau, veillant à sa sanctification constante sachant stimuler les faibles contenir les orgueilleux, compatir aux défaillants …. et retrancher les mauvais. Il s’occupe aussi des intérêts matériels. Ainsi, il a la responsabilité de tout et de chaque âme. Mais en même temps, le discernement et la modération, la patience et la prudence lui seront enjoints, n’oubliant jamais qu’il a la charge des âmes qui lui sont confiées, et qu’il » sera soumis au
redoutable jugement de Dieu « , et qu’il doit » diriger ses disciples par un double enseignement, c’est à dire montrer tout ce qui est bon et saint par les paroles et plus encore par les actes « .
Le service par excellence du moine est la psalmodie, et la Règle prescrit ce qui doit être chanté avec lui à l’ Eglise où ils ont aussi à prier silencieusement.
Après la prière vient l’étude, à qui de nombreuses heures sont consacrées chaque jour, mais plus encore le dimanche et le Carême durant.
Le travail est hautement estimé, car l’oisiveté gagne l’âme et lui répugne. Les vertus principales exigées par la Règle sont le silence, l’obéissance, la patience
et l’amour. Le monastère doit recevoir les pauvres et les pèlerins et les servir comme le Christ.
La suprématie accordée à la vie spirituelle du moine ne doit pas pour autant négliger les choses temporelles qui sont le bien du monastère, sur qui tombe un éclat de la Gloire céleste . Et le cellérier devra être un » frère sage, d’esprit mûr, ni hautain ni turbulent « .
La Règle allait vite devenir le code du monachisme occidental, surpassant toutes les autres règles, demeurant encore » la Règle » à l’aube du XXI siècle.
Saint Grégoire – pape de 590 à 604 – raconte dans le second livre de ses » Dialogues » la vie de Saint Benoît, qu’il a minutieusement reconstituée en interrogeant les moines qui ont connu directement notre Saint et c’est ainsi qu’il rapporte maints faits qui témoignent tous de la sainteté de leur auteur : ainsi de la sollicitude toute fraternelle de l’Abbé ( miracle de la petite bouteille d’huile ) ; ainsi du véritable don qu’il avait pour percer les cœurs ( miracle du tonneau , des petits mouchoirs donnés à un de ses moines , du repas pris à l’extérieur par deux de ses moines etc… ). On attribue à Benoît le pouvoir de guérir les malades, de rendre à la vie un enfant mort, et même de prédire la destruction du Mont Cassin.