Les grandes victoires chrétiennes, qui ont marqué l’histoire du monde, sont autant des victoires du Christ, de Marie et des hommes :
- victoire du Christ, car le monde que Dieu a créé est tombé sous l’esclavage du péché, et le Christ a brisé le pouvoir du Malin par Sa Croix.
- Victoire de Marie, qui a donné à son divin Fils son humanité et l’a offert à la Croix, en vue de la transformation du monde et de son accomplissement.
- Victoire des hommes, car si Dieu a l’entière initiative, il ne veut pas que nous restions sans rien faire.
Ces victoires font partie du plan divin du salut dès les origines. Nous connaissons bien le texte du chapitre III de la Genèse, où Dieu dit au serpent après la chute : « Je mettrai une hostilité entre toi et la Femme, entre ton lignage et le sien. Il t’écrasera la tête et tu l’atteindras au talon ». C’est la promesse de la victoire, qui ne peut se réaliser que par le combat. C’est un dur combat contre les puissances des ténèbres, qui passe à travers toute l’histoire des hommes ; il a commencé dès les origines et durera jusqu’au dernier jour, le Seigneur nous l’a dit.
Ce combat est d’abord personnel et spirituel, car, comme nous l’affirme saint Paul : « ce n’est pas contre des adversaires de chair et de sang que nous avons à lutter, mais contre les Principautés, contre les Régisseurs de ce monde de ténèbres, contre les Esprits du Mal qui habitent les espaces célestes. »(1)39
Mais ce combat est aussi social et peut, au nom de la foi, revêtir un aspect militaire. L’histoire ne manque pas de nous en donner la preuve. La première victoire chrétienne et militaire fera prendre un tournant considérable à l’histoire, puisque Constantin, vainqueur du païen Maxence, donnera à l’Empire la paix religieuse. « Les chrétiens ont pleine liberté de suivre leur religion » dit l’édit de Milan. Toutes les grandes batailles catholiques trouvent là leur âme : une juste liberté contre l’injuste oppresseur. Il en est de même pour la célèbre victoire de Clovis à Tolbiac : si sa foi fut la véritable victoire des évêques, selon l’exclamation de saint Avit, son baptême sonnait la libération des chrétiens du joug terrible des ariens. Mille ans plus tard, nous trouvons la figure si douce et si forte en même temps, de notre immortelle héroïne nationale. Personne ne peut nier l’intervention divine dans le combat, ô combien militaire, de Jeanne dans la délivrance d’Orléans contre l’oppresseur anglais. Son étendard, orné des noms de Jésus et de Marie, fut mis à l’honneur au sacre du roi à Reims. Pour avoir été au combat, il méritait bien cet avantage.
De toutes les victoires militaires chrétiennes, la plus glorieuse et la plus connue est sans aucun doute celle de Lépante. Il ne faut pas oublier que le XVIe siècle fut celui du péril turc. L’Europe était menacée par les Sultans depuis la prise de Constantinople en 1453, et la Méditerranée orientale et méridionale était sous leur contrôle. La menace pour les États chrétiens était permanente. C’est grâce au Chef suprême de l’Église, le Pape Saint Pie V, que l’unité a pu se construire entre les divers États, pour former la Sainte Ligue. Lépante est la dernière croisade, croisade demandée et bénie par le pape, faite dans un grand esprit de foi et pour la Foi. Chaque soldat a jeûné pendant trois jours et s’est confessé avant d’embarquer. L’amiral Jean Doria a prié dans la chapelle de son bateau, devant une image de Notre-Dame de Guadalupe, que lui avait offert don Juan d’Autriche, et qui avait touché l’original. Au début, la bataille fut incertaine, mais la Sainte Ligue l’emporta grâce à des vents favorables. La flotte des turcs fut pour la première fois vaincue et perdit enfin sa réputation d’invincibilité. L’image de la Vierge sera saluée comme l’étendard de la victoire et elle est vénérée, encore actuellement, à Aveto en Italie40.
Moins connue, mais tout autant décisive, est la bataille de la Montagne Blanche en Bohême, au XVIIe siècle. L’hérésie protestante était partout gagnante et oppressive. Sous le prétexte de deux temples détruits, des seigneurs allemands se révoltent contre l’empereur et défenestrent ses représentants à Prague. Les protestants pratiquent l’iconoclasme en détruisant toutes les croix et en mutilant les représentations de la Vierge. L’armée impériale marche derrière le carme déchaux, Dominique de Jésus-Marie. C’est sous l’étendard de la Croix et d’une icône de la Vierge, dont les protestants ont crevé les yeux, que l’armée, en deux heures, extrêmement sanglantes, anéantit les rebelles. Victoire terrible, déformée par les historiens comme étant une oppression catholique ; elle est, en vérité, leur première victoire pendant la guerre de Trente Ans.
Plus proches de nous, les chouans ont gagné bien des batailles contre l’oppression de la Révolution. Le petit Grégoire ne doit pas partir à la guerre sans sa gourde, ni sans sa Vierge d’ivoire, dit la chanson. Au XXe siècle, les catholiques mexicains, les Cristeros, ont dû résister au président Callès, destructeur haineux de la Foi. « Les cantiques et le Rosaire accompagnaient la vie quotidienne, en marche et au campement ; les Cristeros priaient et chantaient tard dans la nuit, récitaient ensemble le Rosaire à genoux, chantant les Laudes entre les dizaines de chapelet »(3)41
Dans le même registre mais d’une manière différente, nous avons les victoires pacifiques et cachées de la prière. La Vierge intervient en 1871 à Pontmain pour sauver la France des Prussiens ; en 1947 à L’ile- Bouchard pour la sauver de la menace communiste. L’Autriche est libérée de l’oppression soviétique, par le Rosaire, un an plus tard. Le Brésil et le Chili seront aussi sauvés de la révolution par la prière forte du bon peuple catholique.
Le courage de nos devanciers fut le fruit de la Foi contre l’oppression injuste des païens, des hérétiques, des turcs et du pouvoir politique laïciste athée. Leur exemple nous a été donné pour notre propre édification dans le monde de notre temps.
Cependant, n’oublions pas que la plus belle victoire du christianisme ne sera jamais militaire mais qu’elle est celle du martyre et de la paix. Achevons cette brève rétrospective par la Lettre Apostolique de Notre Très Saint Père Jean-Paul II, qui nous invite au combat : « Les difficultés que la perspective mondiale fait apparaître en ce début de nouveau millénaire nous conduisent à penser que seule une intervention d’en haut, capable d’orienter les cœurs de ceux qui vivent des situations conflictuelles et de ceux qui régissent le sort des Nations, peut faire espérer un avenir moins sombre… Que mon appel ne reste pas lettre morte »42. Ce que nous propose le Saint-Père est de gagner une des victoires les plus décisives de l’Histoire : celle de convertir par le Rosaire ceux qui nous gouvernent. « Bataillons et Dieu donnera la victoire ».
Un moine du Barroux
39 Éphésiens
40 La Cristiade de Jean A. Meyer
41 Cf. « L’indien Juan Diego et ND de Guadalupe » de Jean Mathiot.
42 Rosarium Virginis 40 & 41.