Homélie de son Excellence Mgr Castet – Feiz e Breizh 28 septembre 2024

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Homélie du pèlerinage Feiz e Breizh.
Sainte Anne d’Auray
Dimanche 29 septembre 2024
Son Excellence Monseigneur Alain Castet
Évêque émérite de Luçon

Bien chers frères et sœurs, chers pèlerins,
Au terme du Pèlerinage que vous venez d’accomplir pendant deux
jours, il est juste que nous honorions en ce lieu béni, Sainte-Anne, elle
qui fut la mère de celle qui enfantera le Sauveur du monde. Elle fut cette
« femme forte », délicate et prévenante, évoquée aujourd’hui par la
Sainte Écriture, cette femme guidée par la « crainte de Dieu », une
crainte suscitée par la Sagesse divine qui, par elle, guide et oriente
toute vie droite. Elle fut, avec son époux Joachim, la figure accomplie
du peuple fidèle, dépositaire des promesses du Seigneur, ce peuple qui
avance avec confiance « comme s’il voyait l’invisible ». En donnant la
vie à la Vierge Marie, qui a bénéficié, dès sa conception, du choix de
Dieu, elle connut la grâce de percevoir l’aurore du salut.

Votre belle initiative, qui connaît sa septième édition est bénie par Dieu,
comme en témoigne la croissance continue de ceux qui participent à
votre pèlerinage. Celui-ci, vous le savez, s’appuie sur trois piliers :

– L’urgence de la mission.
– La fidélité à la Tradition.
– La conscience du patrimoine.

Elle se fonde dans une ferme confiance en Celui qui possède les
« paroles de la vie éternelle ». Jn 6/68. Dans le monde que nous
connaissons, désorienté et ballotté aux quatre vents des modes, « a
qui pourrions nous aller ? » vous avez découvert et suivi Celui qui est
« le seul médiateur entre Dieu et les hommes. »1 Tim 2/5, Celui qui
est l’unique et indispensable Sauveur de tous. L’enseignement de Saint
Pierre dans le livre des actes des Apôtres est sans ambiguïté : « Il n’y a
pas sous le soleil d’autre nom donné aux hommes par lequel nous
devions être sauvés. » Ac 4/12. Ainsi, vous avez goûté le bonheur de
celui qui croit et espère et vous souhaitez le partager.

Vous accueillez le message du Salut dans une fidélité inébranlable à la
sainte Tradition, dans la fidélité à « l’unique vraie religion
qui…subsiste dans l’Eglise catholique et apostolique, à laquelle le
Seigneur a confié le mandat de la faire connaître. » Dignitatis
Humanae 1. Éclairée et guidée par le Saint-Esprit, elle nous a transmis
la vraie foi, en l’approfondissant et l’explicitant comme dans un
développement organique, qui ne peut connaître aucune rupture.
Grâce à elle, vous avez contemplé la « splendeur de la Vérité ».

Enfin, La tonalité de votre pèlerinage le proclame clairement : nous
sommes des héritiers qui désirent transmettre. Mais comment
transmettre sans être véritablement enracinés ?

Permettez-moi d’insister plus particulièrement aujourd’hui sur la
dimension missionnaire de votre démarche. Devenus les témoins
consternés de l’effacement de l’être spirituel chez un grand nombre de
nos contemporains, qui connaissent un vrai désert intérieur qui les rend
vulnérables à l’illusion, à des religions de substitution, ou encore
prisonniers des passions et jouets des mouvements d’opinion, tout
comme des déterminismes apparents, nous ne pouvons pas nous
résoudre à constater passivement une situation que le serviteur de
Dieu Benoît XVI qualifiait d’« oubli de Dieu ». Dans son encyclique
« Caritas in veritate », celui-ci enseigne : « En ce moment de notre
histoire, le vrai problème est que Dieu disparaît de l’horizon des
hommes et que, tandis que s’éteint la lumière provenant de Dieu,
l’humanité manque d’orientation, et les effets destructeurs s’y
manifestent toujours plus en son sein. » Il désigne donc l’urgence
absolue : « rendre Dieu présent dans ce monde. » Telle est la charité
suprême que nous sommes appelés à exercer.

Il y a quelques jours, l’Eglise célébrait la fête de l’apôtre et évangéliste
saint-Matthieu. Comment ne pas être docile à l’injonction donnée par
Notre Seigneur, a la fin de son Évangile : « allez, de toutes les nations
faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils et du
Saint-Esprit et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai
prescrit ». Mt 28/19-20. Fidèle à cet enseignement, nous ne pouvons
pas nous taire, ni nous contenter d’une simple bienveillance,
évidement nécessaire, envers le frère, ou encore nous limiter à un
simple dialogue, qui renoncerait à désigner le chemin du Salut. Selon
l’enseignement du livre des Actes des Apôtres : « il nous est impossible
de nous taire sur ce que nous avons vu et entendu ». Ac 4/20. La
parole de l’Apôtre est encore plus vigoureuse : « malheur à moi si je
n’annonce pas l’évangile ! ». 1 Cor 9/16. Comme l’enseignait celui qui
était encore le cardinal Ratzinger, « le courage de la vérité est un
critère de premier ordre de la sainteté ». Et, même si aujourd’hui, les
ouvriers paraissent peu nombreux, si leur témoignage est fréquemment
tourné en dérision, nous ne devons pas céder au découragement, à la
manière de ceux qui se contentent de gérer le déclin avec frilosité, car
affirme aussitôt Notre Seigneur, afin de nous réconforter, après avoir
désigné le chemin de la mission : « je suis avec vous tous les jours
jusqu’à la fin du monde ». Mt 28/21.

Nous savons aussi que pour toute entreprise conduite selon le désir de
Dieu, même si sa réalisation semble humainement être au-delà de nos
forces, nous recevons du Seigneur la grâce nécessaire pour
l’accomplir. Puissions-nous nous laisser gagner par l’inquiétude
spirituelle qui habitait le coeur des grands missionnaires. Je pense à
cette lettre que saint François Xavier, apôtre de l’Asie, adressait à Saint
Ignace : « J’ai souvent eu l’idée de parcourir toutes les universités
d’Europe et d’abord celle de Paris pour hurler partout d’une manière
folle et pousser ceux qui ont plus de doctrine que de charité en leur
disant : « hélas, quel nombre énorme d’âmes, exclues du ciel par
votre faute, s’engouffrent dans l’enfer. Beaucoup d’entre eux,
bouleversés par cette pensée, aidés par la méditation des choses
divines, … rejetant les ambitions et les affaires humaines, se
soumettraient tout entiers, définitivement, à la volonté de Dieu :
oui, ils crieraient du fond du cœur : Seigneur, me voici, que veux-tu
que je fasse, envoie-moi n’importe où tu voudras. »

Aujourd’hui, l’apostolat et le témoignage s’exercent, non seulement
dans les lointains, mais aussi à nos portes. Notre appréhension est
compréhensible. La démarche que nous venons d’accomplir, figure de
notre pèlerinage terrestre, a révélé notre fragilité, en nous faisant
éprouver la fatigue de la route. Dès les origines de l’Eglise, le Divin
Maître souhaite nous rassurer. Il choisit douze compagnons qui, par
bien des aspects nous ressemblent. C’est à eux qu’il confie
l’évangélisation du vaste monde, car nous enseigne l’Apôtre des
nations, méditant sur son expérience apostolique : « ma grâce te suffit,
car ma puissance se déploie dans la faiblesse… Je préfère bien
volontiers me glorifier de mes faiblesses, afin que la puissance du
Christ habite en moi. » 2 Cor 12/9.

Comment, au fil des jours, discerner la volonté de Dieu sur nous et
trouver les ressources pour l’accomplir ? N’oublions jamais que Jésus
marche à nos côtés. La parole de Dieu nous dit sa proximité : « voici
que je me tiens à la porte et que je frappe : si quelqu’un entend ma
voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je prendrai mon repas
avec lui, et lui avec moi. » Ap 3/20 Saint Bonaventure commente ainsi :
« nous ouvrons notre porte pour le recevoir, à l’appel de sa voix,
lorsque nous donnons notre libre assentiment à ses avertissements
intérieurs et extérieurs et que nous mettons à exécution ce que
nous avons compris ». Ainsi comment ne pas accueillir l’injonction
impérative du Seigneur ? Comment ne pas la mettre en pratique dans
notre vie quotidienne. Nous ne le proclamerons jamais assez haut et
fort : la nature de l’Eglise est d’être missionnaire. En conséquence, le
devoir de chaque baptisé est de contribuer à l’apostolat selon sa
vocation propre.

Ne cédons jamais aux pressions du monde qui souhaite nous faire taire,
et qui, par des initiatives à apparence légales, refuse aujourd’hui que
l’enseignement évangélique et celui de l’Eglise résonnent dans le
champ public. Nous ne pourrons jamais accepter que la parole de Celui
qui est « le Chemin, la Vérité et la Vie » Jn 14/6 soit reléguée dans des
cénacles étroits.

Tout au long du chemin, nous avons marché sous le regard maternel et
protecteur de la Vierge Marie. Elle nous a été proposée comme
« modèle de foi »

Elle est celle qui acquiesce à la volonté de Dieu au jour de
l’Annonciation et qui accompagne nos « oui » de chaque jour : « Qu’il
me soit fait selon Ta Parole » Lc 1/38, celle qui désigne le Sauveur lors
des noces de Cana et nous conduit à Lui, tout au long des jours que
Dieu nous donne : « Faites tout ce qu’il vous dira »Jn 2/5, celle qui
fortifie notre Foi et notre Espérance à l’heure décisive, et qui nous
conduit vers la Lumière au temps de l’épreuve, celle qui nous est
donnée pour mère au pied de la Croix : « Voici ta mère » Jn 19/25-34.
Un cistercien du 12e siècle, Adam de Perseigne, nous révèle combien
le choix de Dieu, dès la conception immaculée de la bienheureuse
Vierge Marie, nous la donne comme guide et modèle : « Dieu a choisi
Marie comme chemin pour venir jusqu’à nous. Il l’a disposée aussi
comme route à suivre pour regagner notre patrie. » Les mots du
« souvenez-vous » ne peuvent que nous revenir à l’esprit : « Souvenez-
vous, Ô très miséricordieuse Vierge Marie qu’on n’a jamais entendu
dire qu’aucun de ceux qui avaient eu recours à votre protection,
implore votre assistance, réclame votre secours, ait été
abandonné. »

L’enfantement du Sauveur s’inscrit évidemment dans l’histoire, aux
jours de l’Incarnation. Mais il advient également au fil des siècles, dans
le temps de l’Eglise, par l’œuvre d’évangélisation qui le réalise dans le
cœur des hommes. La Vierge Marie, par sa délicate intervention et sa
sollicitude constante, plus particulièrement auprès de ceux qui ont su
garder un cœur d’enfant, soutient la mission de l’Eglise et participe à
cet enfantement. Ainsi, par son intervention et sa présence aux côtés
de chaque témoin de la foi, elle contribue à la réalisation des
promesses faites à Abraham : « je rendrai ta descendance aussi
nombreuse que les étoiles du Ciel. » Gn 26/4.

Même chez ceux qui ont vécu un éloignement de l’observance
régulière, elle demeure cette mère aimante qui ramène les enfants de
Dieu dispersés à leur Père. Un prisonnier ne disait-il pas dans la
solitude de sa geôle : « Vous pouvez tout oublier, mais n’oubliez pas
la Mère de Dieu, alors vous vivrez. » Je me souviens également du
témoignage d’un aumônier de la Grande Guerre, relatant son
expérience des tranchées. A l’heure décisive de la mort, disait-il, les
jeunes hommes, et parfois même les plus mécréants, appelaient dans
leurs derniers instants deux femmes à leur secours : leur propre mère
et la Vierge Marie, se souvenant de la prière litanique de l’Ave Maria :
« priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de
notre mort. »

Puisse l’Eglise demeurer, selon le mot d’un auteur contemporain, bien
compréhensible par les amoureux de la mer, parvenus à bon port, après
avoir connu des épreuves : « celle qui regarde Marie, comme une
flotte dans la tempête, regarde le premier navire, qui a franchi la
barre et gagné le port ».

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