2004 

homélie chartres – 2004 : Mgr gaidon

« Puisqu’il n’y a qu’un seul Corps, un seul Esprit, une seule espérance, un seul Seigneur, une seule foi et un seul baptême, le Saint Père vous invite à renouveler votre fidélité à l’unique Eglise du Christ autour de vos évêques afin d’être témoins de l’unité et de participer avec ardeur à l’édification de la communauté ecclésiale »

Appelés à la Sainteté, nous devons témoigner

« Veni Sancte Spiritus et emitte caelitus lucis tuae radium ». A l’instant a retenti sous les voûtes séculaires de cette admirable cathédrale une hymne qui retentit comme une supplication ardente: nos voix se sont mêlées en une unique prière pour en appeler à l’Esprit de Pentecôte, Celui qui construit l’Eglise et jette les disciples de Jésus sur les routes du monde.

Peuple de baptisés venus de différents horizons, marqués par le poids du jour et les cailloux du chemin, nous voici rassemblés au Cénacle autour du Seigneur et de Sa sainte Mère, pour découvrir ou redécouvrir notre vocation à la sainteté évangélique dans l’appel que nous adresse Jésus le Christ à devenir témoins et messagers de son Evangile pour travailler au salut du monde en ce 21ème siècle à peine ébauché. Voilà qui donne toute sa portée à la demande que nous formulons en ces termes :
“Da tuis fidelibus, in te confidentibus, sacrum septenarium” (Pour cette mission, Seigneur, donne aux fidèles qui s’en remettent à Toi, les sept dons qui font les saints “) les saints pour le siècle qui s’ouvre à nous !
Comme vous et avec vous et pour vous, je chante et supplie comme le faisaient Pierre et les apôtres en ces jours où commençait, à Jérusalem, l’aventure de l’Eglise lancée sur les routes du monde : communauté encore humble mais appelée à proclamer le salut de Dieu à toute créature dans toutes les langues de la terre, à célébrer liturgiquement le Dieu de Jésus-Christ en prenant en compte cultures et peuples à évangéliser, avec pour unique mission de travailler pour la gloire de Dieu, en révélant à tous et à chacun que cette gloire resplendit sur le visage et dans le message de Celui qui est le Sauveur, le Christ Roi, « Voie, Vérité et Vie ».

A l’issue d’un fervent pèlerinage qui rassemble jeunes et aînés, je célèbre à votre intention Son sacrifice d’amour, « Lui qui nous a tant aimés et qui donne sa vie comme preuve de l’amour qu’il nous porte » Et j’implore avec ardeur l’Esprit, afin qu’Il accomplisse en chacun de nous son oeuvre de purification et de guérison : « Lava quod est sordidum » (Lave les souillures ) « Riga quod est aridum » (Féconde nos terres arides ) « Sana quod est saucium » (Guéris nos blessures )

Pentecôte nous rassemble… non pour nous mettre à l’abri sous ces voûtes pétries de prière et rayonnantes de beauté… … mais pour nous renvoyer au cœur d’un monde toujours en attente d’un salut. La mission nous attend au sortir de cette démarche spirituelle qu’est tout pèlerinage. Venus de Notre Dame de Paris, vous avez rejoint Chartres mettant vos pas dans ceux des innombrables chrétiens qui vous ont précédés. Mais demain commence maintenant et le 21ème siècle s’ouvre à vous, riche de ses ombres et de ses lumières ! Fier de ses prouesses techniques qui lui laissent espérer qu’il parviendra à explorer les secrets de la nature et à les mettre au service de nos sociétés futures ; satisfait de connaître aujourd’hui une ère de paix et d’échapper aux conflits qui ont opposé des peuples appelés désormais à travailler ensemble dans le cadre de l’Europe et ce, soixante années après les combats qui ont ravagé ces contrées et qui seront célébrés sous le signe de la réconciliation dans quelques jours sur les plages de Normandie tout près d’ici. Autant de signes positifs qui demandent à être perpétués et encouragés. Que se lèvent donc des témoins qui prennent le relais et sachent que rien de solide ne se construit qui ne repose sur le roc de la Parole de Dieu et à la lumière de Son Esprit que nous invoquons:

O lux beatissima reple cordis intima tuorum fidelium (O bienheureuse lumière pénètre au plus profond le cœur de tes fidèles)

Trois axes d’efforts :

Mais ce serait manquer à la vérité que de négliger les ombres qui nous environnent et d’oublier la présence de ceux dont Jésus nous dit “qu’ils préfèrent les ténèbres à la lumière”. Il est de mon devoir d’évêque et de successeur des apôtres que d’attirer votre attention sur les dangers qu’ils font courir à notre société occidentale en trois domaines importants et qui requièrent des témoins évangéliques lumineux et ardents.

Trois domaines : Celui de la famille attaquée et menacée ; celui de l’Europe à bâtir ; celui de l’Eglise à aimer

Seigneur, garde nos familles et la famille dans la lumière de Ton esprit d’amour:

En écoutant les confidences des parents et des jeunes, je prends conscience des menaces qui pèsent aujourd’hui sur la cellule familiale exposée aux tentations qui sont complaisamment charriées par les médias et les modes qui imposent leur vision du monde, monde en carence de repères et livré aux idoles qui dressent leurs statues aux carrefours de nos cités modernes. Idoles du pouvoir, du sexe et de l’argent facile : elles sont connues depuis longtemps et les prophètes de l’Ancien Testament avaient vigoureusement dénoncé leur néfaste influence, dressant en face d’elles le rempart de la parole de Dieu. Leur voix avait retenti puissamment, relayée par la voix de Jean Baptiste et de Jésus et reprise dans le chant de Marie au jour de la Visitation « il renvoie les riches les mains vides ; il renverse les puissants de leurs trônes ». La Bible nous enseigne que rien de solide ne peut se construire en dehors de Dieu et de ses commandements, de l’Evangile et de ses Béatitudes, de Marie et de sa présence de douceur et d’humilité. Tel est l’héritage précieux que les parents ont à transmettre à leurs enfants ; tel est l’enseignement essentiel que des jeunes doivent entendre de leurs éducateurs. N’attendons pas que d’autres le fassent à notre place si nous ne voulons pas assister au lent délitement de la famille soumise aux caprices des législateurs et des faiseurs d’opinion !

Seigneur, que Ton Esprit de Lumière guide ceux et celles qui travaillent à bâtir l’Europe.

Nous voici entrés dans une ère nouvelle et nos prières en ce jour sont autant de voeux que nous formulons à l’encontre de cette Europe qui, lentement et précautionneusement prend forme et visage soixante années après la fin d’une guerre qui l’avait meurtrie et condamnée à l’épreuve du rideau de fer. Désormais l’Europe des frontières infranchissables et des violences fratricides semble appartenir à un passé révolu ! Deo gratias ! Mais que sera l’Europe qui se construit dans les instances en place ; l’Europe qui va en appeler au vote des citoyens dans peu de jours ? Va-t-elle privilégier les domaines économiques et financiers qui ont, certes, leur importance mais en laissant dans l’ombre des pans entiers de son histoire? celle en particulier qui touche sa culture chrétienne séculaire et fait silence sur l’importance à accorder au souffle spirituel qui doit donner son âme à cette immense aventure. Je fais allusion ici au thème controversé “des racines chrétiennes de l’Europe” qui s’impose à nous dans cette cathédrale où, durant des siècles, se sont rassemblés des pèlerins de tous horizons venus implorer Notre Dame. Ce thème sera-t-il pris en compte par les détenteurs actuels du pouvoir politique ? Grave question qui engage nos propres responsabilités de chrétiens engagés dans la cité et qui requièrent la lumière de l’Esprit de Vérité.
L’Europe de demain ne peut faire l’impasse sur deux millénaires de culture chrétienne qui a inscrit à jamais son empreinte dans nos paysages, dans nos comportements, dans l’art littéraire, architectural et musical. Je me trouvais le mois dernier au Puy en Velay auprès de la Vierge Noire et j’y accueillais un groupe de pèlerins en partance pour S. Jacques de Compostelle, hommes et femmes retrouvant la démarche des pèlerins qui avaient su, avant eux, aller boire aux sources évangéliques de la sainteté. A leur tour, ils devinaient d’instinct que l’Europe de demain aura besoin de Dieu comme son rocher, de ses saints comme figures exemplaires, de ses innombrables sanctuaires qui tissent un réseau à la gloire de la Vierge en tous nos pays de Fatima à Vilnius, de Lourdes à Mariazell, de Rocamadour à Czestochowa, de Chartres à Lorette.., pour en appeler à Notre Dame et chanter ses litanies comme autant d’expressions de son rôle et de sa place aux premiers rangs de l’histoire du salut du monde ! Merveilleux titres jaillis de la foi d’une Europe qui ne peut, aujourd’hui, tirer un trait sur son héritage spirituel !

Que Ton Esprit, Seigneur, lance l’Eglise, notre famille, sur les routes du monde.

Je relis quelques phrases du message qui nous est envoyé par le Cardinal Secrétaire d’Etat « Puisqu’il n’y a qu’un seul Corps, un seul Esprit, une seule espérance, un seul Seigneur, une seule foi et un seul baptême, le Saint Père vous invite à renouveler votre fidélité à l’unique Eglise du Christ autour de vos évêques afin d’être témoins de l’unité et de participer avec ardeur à l’édification de la communauté ecclésiale »

L’Eglise, « Notre Mère sur les genoux de laquelle nous avons tout appris » : merveilleuse action de grâce de Claudel le poète que chacun de nous peut énoncer à sa façon! Cette Eglise qui nous a saisis au baptême pour nous conduire sur les chemins de l’Evangile qui sont chemins de sainteté. Il est urgent que nous réapprenions à redécouvrir notre Eglise pour la mieux aimer et la mieux servir. Notre époque, par la voix de ceux qui pratiquent l’intoxication médiatique, n’en finit pas de faire la procès de l’Eglise et de l’accabler de mille critiques. Cette campagne atteint son but quand elle nous conduit à devenir des chrétien honteux, culpabilisés, rasant les murs et se condamnant au silence. “Notre Eglise est l’Eglise des saints”: la formule est de Bernanos qui déjà avait à résister au défaitisme de son époque et savait débusquer la persécution masquée qui, depuis longtemps, s’attaque à l’Eglise et que Jésus annonce comme devant accompagner nécessairement ses apôtres et ses disciples! Auprès de Marie et à son école, sur les pas des saints de tous les siècles, nous avons tout à apprendre : comment prier; comment aimer évangéliquement; comment acquérir un cœur doux et humble; comment entrer dans l’appel à la conversion de nos comportements; comment résister à l’attrait des idoles du jour !

Que de grâces à demander en ce jour, en ce lieu, pour que nous soyons fidèles au baptême reçu et vivions en Eglise la paix et l’unité que Jésus a implorée pour ses disciples en son ultime discours, à la veille de sa mort!

Pour les successeurs des Apôtres

A cette heure, je prie pour ceux qui assument la mission en successeurs des apôtres : le Pape Jean Paul II dont le courage dans la souffrance nous lance vers les sommets “Duc in altum “ ; vos évêques qui ont la lourde mission de maintenir dans l’unité de la foi des chrétiens parfois divisés et souvent désorientés.

Pour les vocations sacerdotales et religieuses

Et je supplie ardemment le Seigneur de susciter dans le sœur des jeunes que vous êtes des vocations sacerdotales et religieuses pour que, demain, vive l’Eglise ! Qu’elle vive de l’Eucharistie et de la Parole de Dieu, qu’elle vive des sacrements qui la purifient et sanctifient! Alors, que se lèvent des prêtres et des religieux et religieuses. Crions vers Dieu : « Donne nous Seigneur des prêtres, de saints prêtres ; des vocations religieuses, de saintes vocations religieuses »

Pour tous les baptises

Je prie avec ardeur pour tous les baptisés ici rassemblés afin qu’ils retrouvent la joie d’être d’Eglise, la confiance qu’ils lui doivent, le goût pour son enseignement exigeant et nécessaire, la fierté simple de lui appartenir. Sinon, comment prétendre travailler à l’annonce de l’Evangile du salut?

Que l’Esprit-Saint vous anime et que Marie vous protège

Le feu de l’Esprit, celui de Pentecôte nous est offert en cette solennelle célébration, en ce saint sacrifice de la messe, en cette eucharistie action de grâce, feu de l’Esprit qui a jailli sur la croix du côté transpercé du Sauveur. Source intarissable de l’amour vainqueur de la mort qui nous est donnée en abondance quand nous nous approchons pour accueillir le Corps Ressuscité “ pour la vie éternelle. “. Feu de l’Esprit, feu que nous saurons tous implorer à l’heure de la communion pour lui demander d’être des témoins prêts à le suivre. Nous lui dirons à notre façon ce que demande l’hymne de Pentecôte : « Flecte quod est rigidum (assouplis nos raideurs ) ; Fove quod est frigidum ( Enflamme nos froideurs) ;» Rege quod est devium » (redresse nos vies tortueuses ).

Comme à la Croix, comme au Cénacle, Marie est là priante et silencieuse. En cette cathédrale de Chartres, elle pose sur nous son voile de tendresse. L’évêque que je suis l’invoque avec ferveur pour vous toutes et tous, en chantant en son honneur cette antienne mariale, la plus ancienne prière adressée directement à Marie et trouvée sur un papyrus du IIIe siècle :

« Sub tuum praesidium confugimus
Sancta Dei Genitrix
Nostras deprecationes ne despicias in necessitatibus
Sed a periculis cunctis libera nos semper
Virgo gloriosa et benedicta »

( « Sous l’abri de ta miséricorde
Nous nous réfugions Sainte Mère de Dieu
Ne méprise pas nos prières quand nous sommes dans les épreuves
Mais de tous les dangers délivre nous toujours
Vierge glorieuse et bénie. »)

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