Mgr Schneider s’exprime sur les dernières mesures du Vatican à l’encontre de la Tradition

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Entretien exclusif donné à Diane Montagna de The Remnant le 22 décembre 2021. (Traduit à l’aide de Deepl.com)

(Diane Montagna) Votre Excellence, le 18 décembre, l’archevêque Arthur Roche, préfet de la Congrégation pour le culte divin (CCD), a publié de nouvelles directives visant à restreindre davantage la messe et les sacrements traditionnels, sous la forme de réponses à 11 « dubia » (doutes), qui, selon le Vatican, sont « les questions les plus récurrentes » qu’ils ont reçues à la suite de la lettre apostolique du pape François, Traditionis Custodes (TC). Quelles ont été vos impressions générales sur ce document ?

(Mgr MgrAS) Ma première impression a été que de vieilles blessures au sein de la vie de l’Église ont été inutilement rouvertes sous le prétexte de parvenir à une plus grande unité. De telles mesures, justifiées de cette manière, frisent la moquerie, car elles sont en contradiction flagrante avec la politique générale du pape François, qui consiste à guérir les blessures au sein de la vie de l’Église de notre époque, comme il l’a exprimé, par exemple, avec les mots suivants :

« La chose dont l’Église a le plus besoin aujourd’hui est la capacité de guérir les blessures et de réchauffer le cœur des fidèles ; elle a besoin d’être proche, d’être présente. Je vois l’Église comme un hôpital de campagne après la bataille. Il est inutile de demander à une personne gravement blessée si elle a un taux de cholestérol élevé et quel est son taux de sucre dans le sang ! Il faut soigner ses blessures. Ensuite, on pourra parler de tout le reste. Guérissez les blessures, guérissez les blessures… » (Entretien avec le pape François par le père Antonio Spadaro, L’Osservatore Romano, 21 septembre 2013).

Les nouvelles directives trahissent une  » inflexibilité hostile « , pour reprendre une expression que le pape François a parfois employée pour mettre en garde les évêques (voir par exemple le Discours pour la conclusion de la troisième Assemblée générale extraordinaire du Synode des évêques, 18 octobre 2014). Nous avons affaire à un texte d’une inflexibilité inouïe et d’une uniformité rigide qui rappelle certaines sentences de l’Inquisition ou certaines réponses aux « dubia » des temps passés, qui se caractérisaient par un légalisme liturgique boursouflé. D’une manière froidement bureaucratique, ces nouvelles directives imposent des normes si impitoyables et discriminatoires sur la vie de tant de jeunes catholiques – prêtres et laïcs fidèles – qu’il ne serait pas surprenant qu’ils aient l’impression d’être torturés spirituellement, au ralenti.

Pour tout observateur objectif, le message clair que ces nouvelles directives envoient aux catholiques attachés à la liturgie traditionnelle est le suivant : « Avec votre expérience religieuse, vous n’êtes pas les bienvenus dans l’Église ! Votre expérience de la liturgie traditionnelle est fausse et inauthentique, vous vivez dans l’auto-illusion ! Il n’y a pas de pluralité liturgique dans l’Église aujourd’hui, car il n’y a qu’une seule expression unique de la lex orandi, et c’est la liturgie réformée. Il n’y a qu’une seule loi, et selon cette loi, vous devez mourir, c’est-à-dire que vous devez vous couper de la liturgie de vos ancêtres et des saints ! ».

Les auteurs de ces nouvelles directives ont manifestement oublié le principe suivant énoncé par le Concile Vatican II : « Même dans la liturgie, l’Église ne veut pas imposer une uniformité rigide dans les matières qui n’impliquent pas la foi ou le bien de toute la communauté » (Sacrosanctum Concilium, 37). Les nouvelles directives annulent ce que le pape François a dit :  » Le discernement… est un processus créatif qui ne se limite pas à l’application de schémas. Il est un antidote à la rigidité, car les mêmes solutions ne sont pas valables partout. » (Discours aux évêques ordonnés au cours de l’année écoulée, 14 septembre 2017).

(DM) De nombreux évêques catholiques ont donné une interprétation libre et assouplie de Traditionis Custodes. Les nouvelles directives suggèrent fortement que le Saint-Siège serre maintenant la vis pour s’assurer que les évêques se conforment à la « direction » indiquée par la Congrégation pour le culte divin. Quel est votre message à vos frères évêques ?

(Mgr MgrAS) J’encourage mes frères évêques à être véritablement des bergers et à faire preuve de « charité créatrice » envers leurs fidèles, qui ont grandi dans l’ancien rite romain ou qui ont fait une rencontre décisive avec Dieu grâce à cette forme de liturgie de l’Église. En effet, le pape François a souvent demandé aux évêques de faire preuve de créativité pastorale à l’égard des personnes qui sont marginalisées et dont les aspirations religieuses sont mal jugées. De nombreux fidèles attachés à l’ancienne forme liturgique romaine, notamment les plus jeunes, sont loin de s’engager dans des polémiques ecclésiastiques et liturgiques concernant Vatican II et le Novus Ordo. Par conséquent, en tant que véritables bergers, les évêques devraient trouver des solutions créatives afin que ces fidèles ne soient pas ghettoïsés et traités comme des catholiques de seconde zone. Les évêques pourraient appliquer le principe moral de l’épikeia, selon lequel une loi n’est pas observée, en tout ou en partie, au nom d’un bien supérieur.

(DM) Dans sa lettre d’accompagnement de Traditionis Custodes, le pape François a dit aux évêques du monde entier qu’il avait pris la « ferme décision » d' »abroger toutes les normes, instructions, permissions et coutumes qui précèdent » son motu proprio, en réponse à leurs demandes. Et pourtant, comme cela a été détaillé dans une trilogie de rapports bien sourcés – qui contiennent la collection de citations des évêques qui ont été incluses dans le rapport détaillé préparé pour le pape François par la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF) – le message envoyé par les évêques était « fondamentalement de laisser Summorum Pontificum seul, et de continuer avec une application prudente et attentive. » Est-il temps pour les évêques de demander au Saint-Siège de publier le rapport principal et détaillé de la CDF ?

(Mgr MgrAS) Le pape François a appelé à plusieurs reprises à une transparence absolue dans la vie de l’Église, et notamment au sein de la Curie romaine, comme l’atteste la déclaration suivante :  » Le but à atteindre est toujours celui de favoriser une plus grande harmonie dans le travail des différents dicastères et offices, afin d’établir une coopération plus efficace dans la transparence absolue qui édifie une authentique synodalité et collégialité  » (Salut du Pape François aux cardinaux réunis pour le Consistoire, 12 février 2015). La publication du rapport détaillé préparé par la CDF sur la base de son enquête auprès des évêques du monde est donc grandement nécessaire. Même si cela ne se fait pas dans un avenir immédiat, nous savons que « rien n’est caché qui ne soit manifesté, ni rien de secret qui ne soit connu et mis en lumière  » (Lc 8,17).

(DM) Le jésuite italien et docteur de l’Église, saint Robert Bellarmin (1542-1621), a dit : « De même qu’il est licite de résister au pape s’il s’en prend à la personne d’un homme, de même il est licite de lui résister s’il s’en prend aux âmes, ou s’il trouble l’État, et bien plus encore s’il s’efforce de détruire l’Église. Il est licite, dis-je, de lui résister, en ne faisant pas ce qu’il ordonne, et en empêchant l’exécution de sa volonté. » En tant que successeurs des Apôtres, les évêques ont-ils le devoir de résister à ces mesures ?

(Mgr MgrAS) Les évêques ont le droit de résister avec révérence et prudence à ces mesures, car elles nuisent clairement au bien de toute l’Église, en abolissant presque entièrement une expérience liturgique millénaire qui s’est avérée fructueuse. L’effacement pur et simple du grand trésor de rites liturgiques contenus dans le Pontificale Romanum, y compris les rites théologiquement et liturgiquement riches des Ordres majeurs et mineurs, le rite de la Confirmation et les diverses consécrations (comme celles des autels, des églises et des vierges), accumulés par l’Église romaine non pas sur seulement cinquante ans, comme c’est le cas des rites liturgiques réformés, mais sur un millénaire, est préjudiciable à l’Église tout entière. Ceux qui détiennent actuellement l’autorité à Rome – dont le mandat est relativement court par rapport aux deux mille ans d’histoire de l’Église – ne peuvent pas se comporter comme s’ils étaient les propriétaires exclusifs d’un trésor liturgique millénaire de l’Église. De plus, une majorité considérable de catholiques exemplaires, attachés à la liturgie traditionnelle, et qui ne manquent en rien de fidélité au pape actuel et à leurs propres évêques, sont ouvertement calomniés et discriminés. Les évêques – et en premier lieu les membres du sacré Collège des Cardinaux – devraient exprimer leurs préoccupations au Pape, en l’alertant sur le grand préjudice et l’injustice flagrante qui sont commis contre un groupe considérable de bons catholiques.

(DM) Quelles questions canoniques les Responsa ad dubia soulèvent-elles ? Ce document est-il légitime ?

(Mgr MgrAS) D’un point de vue formel, le document est légitime, puisqu’il a été publié par une autorité légitime du Saint-Siège, à savoir la Congrégation pour le culte divin, avec l’approbation du Pontife romain. Les Responsa ad dubia représentent un exemple frappant de la maxime bien connue « summum ius, summa iniuria« , c’est-à-dire qu’une loi formellement correcte peut devenir une énorme injustice. Ce document restera dans l’histoire comme un exemple tragique du Saint-Siège résolvant par la violence un problème pastoral délicat.

Les nouvelles directives de la Congrégation pour le culte divin n’ont rien résolu, mais ont au contraire créé une impasse pastorale et de graves problèmes de conscience pour de nombreux prêtres et fidèles. De manière remarquable, nous assistons à l’emploi d’une méthode intransigeante de type Inquisition dans un pontificat qui s’est présenté comme celui de la « tendresse » et de la sensibilité pastorale, comme en témoignent les paroles suivantes du pape François : « Si nous ne devenons pas cette Église de la proximité avec des attitudes de compassion et d’amour tendre, nous ne serons pas l’Église du Seigneur. N’oublions pas le style de Dieu, qui doit nous aider : proximité, compassion et amour tendre » (Discours d’ouverture du Synode, 9 octobre 2021).

(DM) Où le nouveau document laisse-t-il les instituts ex-Ecclesia Dei ? Peuvent-ils continuer à ordonner des prêtres selon le rite traditionnel ?

(Mgr MgrAS) Le document publié par la Congrégation pour le Culte Divin ne mentionne pas explicitement les Instituts ex-Ecclesia Dei. Or, il n’est pas certain que ces instituts et communautés puissent continuer à utiliser l’ancien Pontificale Romanum pour les ordinations mineures et majeures, et pour la célébration du sacrement de la confirmation selon le même Pontificale, dans leurs paroisses personnelles et dans les autres lieux où ils exercent leur apostolat. Le Saint-Siège doit tenir compte du fait que le même Saint-Siège, en érigeant ces Instituts, leur a donné la garantie qu’ils pourraient utiliser tous les livres liturgiques valides avant Vatican II. Le point névralgique à cet égard est la question des rites d’ordination. Si le Saint-Siège refusait à ces instituts et communautés les anciens rites d’ordination, il donnerait un exemple terrible de manquement à sa parole solennelle et diminuerait la crédibilité et l’intégrité du Saint-Siège également dans les relations œcuméniques avec les communautés non catholiques. Les communautés non catholiques observent et voient clairement que le Saint-Siège manque à sa parole envers un groupe de catholiques avec lesquels il était parvenu à une solution pacifique et réconciliatrice. Le traitement violent et perfide des catholiques attachés à l’ancienne tradition liturgique n’incitera certainement pas les communautés ecclésiales orthodoxes à se réconcilier avec le Siège apostolique.

(DM) Pourquoi le Vatican autorise-t-il le ministère New Ways, qui promeut l’agenda LGBT, à participer au synode sur la synodalité, alors qu’il n’écoute pas les catholiques traditionnels et ne les consulte pas sur ces nouvelles mesures ? Que doivent penser les fidèles de la synodalité lorsque la hiérarchie écoute un groupe opposé à l’enseignement de l’Église, mais pas les catholiques qui défendent la tradition et l’enseignement de l’Église.

(Mgr MgrAS) Le choix arbitraire du Saint-Siège révèle à tout observateur objectif que la « synodalité » – avec son « écoute de tous » – est en fait une entreprise idéologique unilatérale. Il ne s’agit pas d’une véritable synodalité, mais d’un effort égocentrique de personnes intolérantes, partageant les mêmes idées et ayant un programme préétabli pour rendre la foi catholique et la liturgie catholique de plus en plus vagues et nébuleuses. Quiconque constitue un obstacle à cet agenda, comme les nombreux catholiques, y compris de nombreux jeunes, qui sont attachés à la liturgie traditionnelle, ne sera pas intégré dans le processus de décision.

(DM) L’abbé Claude Barthe, historien, juriste et expert de la liturgie traditionnelle du diocèse de Fréjus-Toulon en France, a déclaré au National Catholic Register, après la publication du document, qu' »au nom du sensus fidelium, nous devons nous opposer à Traditionis Custodes et à sa clarification par leur non-réception, car il s’agit d’une loi doctrinalement injuste. » Comment, à votre avis, les laïcs doivent-ils réagir aux nouvelles directives ?

(Mgr MgrAS) Pour le bien spirituel de toute l’Église et l’honneur du Siège apostolique, qui a toujours sauvegardé et transmis avec vigilance l’ensemble du patrimoine liturgique, les laïcs devraient continuer à demander aux autorités du Saint-Siège, et en premier lieu au Pape lui-même, d’accorder la pleine liberté à la liturgie traditionnelle, y compris l’ensemble du patrimoine liturgique de l’Église romaine, sans aucune condition humiliante et discriminatoire. Ces demandes pourraient être formulées par le biais de pétitions et surtout d’une chaîne de prière mondiale. Ils devraient imiter la veuve importune dont Notre Seigneur a parlé dans l’Évangile dans sa tenacité devant le juge injuste (voir Luc 18:1-8).

Ils pourraient suivre le conseil du Pape François lui-même, qui a demandé aux laïcs de « déranger » leurs bergers, en citant Saint Césaire d’Arles ( 542). Le pape François a dit :

« Une fois, j’ai lu quelque chose de très beau sur la façon dont le peuple de Dieu aide les évêques et les prêtres à être de bons bergers. C’est un écrit de saint Césaire d’Arles, un Père des premiers siècles de l’Église. Il explique comment le Peuple de Dieu doit aider le pasteur, et il donne cet exemple : quand un veau a faim, il va vers la vache, sa mère, pour obtenir du lait. La vache, cependant, ne le donne pas tout de suite : il semble qu’elle le retienne. Et que fait le veau ? Il frappe avec son nez le pis de la vache, pour que le lait vienne. C’est une belle image ! Ainsi devez-vous être avec vos pasteurs », disait ce saint : frappez toujours à leur porte, à leur cœur, pour qu’ils vous donnent le lait de la doctrine, le lait de la grâce et le lait de l’orientation. Et je vous demande, s’il vous plaît, de déranger les pasteurs, de déranger les pasteurs, nous tous les pasteurs, afin que nous puissions vous donner le lait de la grâce, de la doctrine et de l’orientation. Embêtez-les ! Pensez à cette belle image du petit veau, comment il dérange sa mère pour qu’elle puisse lui donner à manger. » (Regina caeli, 11 mai 2014).

(DM) Ce qui semble ressortir du document, c’est que c’est le triomphe du positivisme magistériel, plutôt que celui d’une foi reçue. En d’autres termes, on nous dit maintenant ce qu’il faut croire à propos de la liturgie, contre ce que nous avons appris de notre Sainte Mère l’Église sur ce qui est vrai, bon, beau et saint.

(Mgr MgrAS) Je pense que nous ferions bien tous, et en premier lieu ceux qui détiennent une haute autorité dans l’Église, de nous rappeler l’attitude constante de l’Église romaine au cours des millénaires, c’est-à-dire la déférence envers le poids décisif de la tradition dans la foi et la liturgie de l’Église. Le principe des premiers siècles, formulé par le pape Étienne Ier ( 257), reste un exemple éclatant : nihil innovetur nisi quod traditum est, c’est-à-dire « que rien ne soit renouvelé sauf ce qui a été transmis. » Si l’on applique ce principe à une réforme liturgique, il convient de conserver non seulement la substance, mais aussi d’autres parties pertinentes du rite liturgique. Le Novus Ordo Missae est un exemple de réforme où, dans des parties significatives de la Messe, des innovations ont été introduites qui n’avaient pas été transmises, comme, par exemple, les nouvelles prières d’Offertoire ou l’existence d’une multiplicité de prières eucharistiques. La Messe authentique du Concile Vatican II est l’Ordo Missae de 1965 avec ses changements prudents et non révolutionnaires.

En ces temps de grande confusion doctrinale et liturgique généralisée, d’expériences et d’innovations, un catholique doit suivre l’antiquité, selon saint Vincent de Lérins ( 445) :

 » Que fera donc un chrétien catholique, si une petite partie de l’Église s’est coupée de la communion de la foi universelle ? Que faire, sinon préférer la solidité du corps entier à celle d’un membre pestiféré et corrompu ? Que faire, si une nouvelle contagion cherche à infecter non seulement une partie insignifiante de l’Église, mais l’ensemble ? Alors, il aura soin de s’attacher à l’antiquité, qui, à l’heure actuelle, ne peut être séduite par aucune fraude de la nouveauté. Mais que faire si, dans l’antiquité même, on trouve l’erreur de deux ou trois hommes, ou en tout cas d’une ville ou même d’une province ? Alors il aura soin, par tous les moyens, de préférer les décrets, s’il en existe, d’un ancien concile général à la témérité et à l’ignorance de quelques-uns. Mais que faire si une erreur surgit sur laquelle aucun décret de ce genre ne peut porter ? Alors il doit rassembler, consulter et interroger les opinions des anciens, de ceux qui, bien que vivant à des époques et dans des lieux différents, continuent néanmoins à vivre dans la communion et la foi de l’unique Église catholique, et qui sont des autorités reconnues et approuvées ; et tout ce qu’il constatera avoir été tenu, écrit, enseigné, non pas par un ou deux d’entre eux seulement, mais par tous, également, d’un commun accord, ouvertement, fréquemment, avec persistance, il doit comprendre que lui-même doit le croire sans aucun doute ni hésitation  » (Commonitorium, 3, 7-8).

Dans les moments de doute, suivons et accrochons-nous à l’antiquité, ce qui signifie s’en tenir à la tradition qui était valable jusqu’à l’introduction de nouveautés ambiguës. Tel a été le principe directeur de l’Église romaine à travers les âges.

(DM) Quel effet pensez-vous que ce document aura sur les séminaires, et quel est votre message aux prêtres et aux séminaristes ?

(Mgr MgrAS) Les prêtres et les séminaristes devraient intensifier leur étude des documents sur la tradition de la foi catholique et la liturgie catholique, et ainsi accroître leur amour pour ce que nos ancêtres et les saints croyaient, chérissaient et vivaient : la liturgie traditionnelle de l’Église romaine. Ils devraient demander avec persistance à leurs supérieurs et à leurs évêques d’autoriser les célébrations de la liturgie traditionnelle et d’appliquer le principe de l’epikeia en accordant, au moins individuellement, le droit de célébrer selon l’ancien rite. Si un tel droit leur est refusé, ils peuvent, en utilisant le même principe d’épikeia – et la situation d’urgence de la crise actuelle sans précédent dans l’Église – célébrer au moins en privé le rite traditionnel de la Sainte Messe.

(DM) Si le Pape François peut défaire l’héritage du Pape Benoît XVI (c’est-à-dire Summorum Pontificum) et contredire directement l’enseignement de Benoît XVI sur une question aussi importante que la sainte liturgie (et l’enseignement du Pape Saint Pie V dans Quo Primum), cela signifie-t-il que tout enseignement d’un pape peut être facilement défait par son successeur, et si oui, où cela laisse-t-il l’autorité de Pierre ? Quel précédent cela crée-t-il pour l’autorité de l’enseignement papal futur et pour l’autorité de l’Église en général ?

(Mgr MgrAS) Ici, la tradition et l’antiquité devraient toujours avoir la primauté. Plus un pape conserve et transmet fidèlement les trésors vivants de la foi et de la liturgie de l’Église romaine – qui ne sont en aucun cas une « pièce de musée » mais plutôt une réalité vivante, comme ce fut le cas pour tant de grands saints – mieux il remplit sa tâche propre et exerce son autorité propre en tant que successeur de Pierre. Un pape ne devrait annuler les décisions de ses prédécesseurs que lorsqu’il s’agit clairement de nouveautés et de ruptures avec la foi et les rites liturgiques. Nous avons plusieurs exemples dans l’histoire. Les lettres du Pape Honorius Ier ( 638), très ambiguës du point de vue doctrinal, ont été annulées par ses successeurs ; par exemple, par saint Léon II, qui a déclaré : « Honorius, au lieu de purifier cette Église apostolique, a permis que la foi immaculée soit souillée par une trahison profane ». Pour citer un autre exemple : en 1535, le pape Paul III a publié un bréviaire, compilé par le cardinal Quiñones, qui a connu plus de 100 éditions. Cependant, en raison de son mépris de la tradition, le pape Paul IV l’a interdit en 1558.

Traditionis Custodes et le nouveau document de la Congrégation pour le culte divin détruisent le travail patient de paix, de réconciliation et de communion ecclésiale accompli par le pape Jean-Paul II avec le Motu Proprio Ecclesia Dei et par Benoît XVI avec Summorum Pontificum. Ils ont véritablement construit des ponts avec la Tradition et avec une partie considérable du clergé et des fidèles traditionnels, montrant ainsi ce que signifie vraiment être un « pontifex« . Alors que le Pape François a maintenant démantelé le pont que ses deux prédécesseurs avaient construit.

(DM) Vous avez souvent affaire au clergé orthodoxe. Les dirigeants orthodoxes se sont rapprochés de l’Église catholique pendant le pontificat de Benoît XVI, principalement parce qu’ils appréciaient son respect pour la liturgie sacrée. Comment pensez-vous qu’ils verront ces mesures visant à éradiquer la liturgie et les sacrements traditionnels de l’Église romaine ? Quel effet croyez-vous que cela aura sur les relations œcuméniques avec les orthodoxes ?

(Mgr MgrAS) De telles mesures de la part du Saint-Siège, qui témoignent clairement d’un mépris pour l’ancienne tradition liturgique, ne manqueront pas de creuser le fossé d’une méfiance déjà existante à l’égard du Saint-Siège de la part des Églises orthodoxes, en particulier des Russes-orthodoxes. Je me souviens avec émotion que, lorsque le pape Benoît XVI a publié le Motu Proprio Summorum Pontificum, qui a fait date et qui était magnanime, plusieurs prêtres et évêques russes-orthodoxes m’ont félicité. Un évêque orthodoxe a même proposé qu’une messe traditionnelle en latin soit célébrée régulièrement le dimanche dans notre cathédrale.

(DM) Comment résoudre ce problème ? Que doit-il se passer pour que ces guerres liturgiques, dont les catholiques traditionnels disent qu’elles ont été à nouveau enflammées par ces derniers documents, prennent fin ?

(Mgr MgrAS) Nous devons garder à l’esprit que les actes violents ne durent pas longtemps. La violence et l’injustice faites à un groupe considérable de fils et de filles modèles de l’Église, par le récent document du Saint-Siège, auront un contre-effet. La tradition liturgique sera encore plus aimée et chérie. Certains prêtres et fidèles seront contraints à une vie de « messes de catacombes ». Mais ils ne doivent pas se décourager ni s’aigrir. La Divine Providence a permis cette épreuve douloureuse, dans laquelle nous voyons les autorités du Saint-Siège persécuter les bons catholiques qui sont attachés au trésor liturgique millénaire de l’Église romaine. Ils doivent continuer à aimer le Pape et leurs évêques et augmenter leurs prières et leurs actes de réparation et de pénitence, en implorant humblement Dieu pour qu’Il ouvre les yeux du Pape et des évêques et fasse naître en eux l’estime et l’amour pour le trésor de ces anciennes traditions liturgiques. Que le Pape François et beaucoup d’autres évêques se souviennent de la joie des jours de leur enfance et de leur jeunesse, lorsqu’ils ont entendu, ou prononcé eux-mêmes, ces mots émouvants et toujours jeunes : « Introibo ad altare Dei, ad Deum qui laetificat iuventutem meam !« , c’est-à-dire « J’irai jusqu’à l’autel de Dieu, du Dieu qui réjouit ma jeunesse ! ». Nous espérons fermement qu’un jour, le Pontife romain lui-même prononcera à nouveau ces mots au pied de l’autel de la basilique Saint-Pierre de Rome.

Source : https://www.leforumcatholique.org/message.php?num=936766

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