O Mon Dieu, permettez-moi maintenant de Vous prier, en forme de méditation, pour la chrétienté. Donnez-moi les mots pour toucher Votre Cœur ; sur ce chemin de Chartres, nous venons vous la demander, cette chrétienté qui nous rassemble et qui Vous ressemble.
Autour de nous ce mot sonne mal ; pour beaucoup, il signifie un passé révolu ; plus grave, il résume tout ce que les chrétiens ont fait de pire au cours de l’histoire. Pour nous, la chrétienté c’est ce que les chrétiens peuvent faire de mieux, par l’imitation de Vos vertus et l’obéissance à ce que Vous nous commandez. Pour nous, la chrétienté c’est la société conforme à Votre volonté de sauver tous les hommes ; c’est la société où chacun peut orienter sa vie, s’il le veut, selon le Décalogue et les Béatitudes.
Les docteurs, inspirés de Votre Église et Vos saints pontifes, nous ont appris, depuis l’origine, que l’amour du prochain est la porte d’entrée de Votre royaume éternel, que cet amour se traduit par des comportements précis et que l’organisation temporelle d’une société n’est pas indifférente au salut éternel de ses membres ; elle doit leur permettre de pratiquer sans obstacle le bien selon leurs dons et leur vocation. Bien plus, le salut temporel d’une société est lié au respect de Vos commandements ; une loi morale supérieure, indépendante des fluctuations d’une majorité, s’impose à ses décrets et à ses institutions. Cette exemplaire doctrine sociale de Votre Église, aidez-nous à la connaître, à la faire aimer et à y être fidèles. Vous nous avez ainsi conduits à ne pas accepter l’état actuel de nos sociétés européennes ; elles s’avilissent dans le rejet de toute référence publique à Dieu et à leur histoire chrétienne.
Aidez-nous à prendre conscience que ce rejet contredit Votre volonté formelle. Certes, Vous n’êtes pas venu dans notre histoire pour investir le pouvoir temporel et politique. Le tentateur Vous a montré les royaumes de la terre et leur gloire ; il en revendique la domination ; il la donne à qui il veut. Mais devant cette usurpation, Votre réponse oppose les droits absolus de Dieu sur le réel et sur la nature. Le pouvoir du mauvais sur les choses et les consciences lui vient de nos transgressions et il faut la puissance de Votre sacrifice pour lui ravir son empire. La réalité de ce pouvoir mauvais continue à nous paralyser, et peut être avons-nous peur de l’affronter dans son domaine ; peur de perdre nos âmes dans le jeu politique, peur de la violence de la persécution. Ces dangers sont bien réels, et on ne manquera pas de nous tenir rigueur de nos dénonciations des ambiguïtés d’une laïcité trompeuse et d’une tolérance sans issue. Seule la vérité fait le lit de la charité.
Aidez-nous à ne pas déserter le temporel ; c’est là que se joue notre éternité; aidez-nous à témoigner de l’Espérance qui nous habite. Si Vous avez dit à Pilate que Votre Royauté n’était pas de ce monde, Vous lui avez dit aussi que lui-même n’aurait aucun pouvoir sur Vous si son autorité ne lui avait pas été donnée d’en haut.
Vous avez confirmé à Vos apôtres que Vous n’étiez pas de ce monde mais Vous avez prié Votre Père, non de nous retirer du monde, mais de nous protéger du mal.
Vous leur avez recommandé aussi de ne pas exercer le pouvoir comme le font les puissants mais de servir, même en exerçant l’autorité. Il y a donc une façon chrétienne d’exercer la paternité et le pouvoir temporel. Vous nous avez dit de rendre des devoirs à la puissance publique, à César. Mais, en nous disant de rendre à Dieu ce qui lui est dû, Vous avez voulu nous signifier que César, lui aussi, est soumis à Dieu.
Pour nous chrétiens, vivants de la dévotion au Christ-Roi, nous disons même que César Vous doit un culte public. Ce culte public nous le pratiquons nous-mêmes dans les rassemblements de nos communautés. Pour nous, c’est ainsi que commence la chrétienté. Les promesses de bénédictions de Votre Sacré Cœur sont attachées à l’honneur que nous devons porter à Votre Amour, Vos plaies, Votre Passion et Votre Sacrifice de propitiation.
Cette distinction du temporel (la nature, « César »), et du spirituel (la grâce, Dieu), constitue le secret du bon fonctionnement d’une société chrétienne.
- Aux laïcs revient le temporel, le lieu d’exercice de leurs responsabilités de parents, d’éducateurs, de gestionnaires ; le lieu où se réalisent les œuvres de miséricorde : nourrir, éduquer, loger, soigner, consoler, visiter et ensevelir ; le lieu où se pratiquent les vertus morales universelles : la prudence, la justice, la force et la tempérance.
- À Vos prêtres est confié le pouvoir de donner la vie surnaturelle à nos âmes, le pouvoir de nous donner la grâce sacramentelle, grâce actuelle et grâce sanctifiante, le pouvoir du for interne, le pouvoir de gouverner l’Église en Votre nom.
C’est la fréquentation du « Notre Père » qui donnera à notre société chrétienne l’harmonie et la fécondité, par la distinction des ordres et la complémentarité des dons. Réapprenez-nous le «Notre Père », la prière de l’Espérance.
Donnez à notre génération la lucidité et la force de bâtir la chrétienté car là est Votre volonté. Relevez nous et faites de nous des chrétiens selon Votre Cœur. Placez à notre tête ce signe grandiose qui apparaît dans le ciel : c’est une Femme, revêtue de soleil, la lune pour parure, couronnée d’étoiles ; c’est Notre Mère ; nous lui appartenons.
O Seigneur, écoutez la prière du pauvre pèlerin que je suis, pour que Votre règne arrive. Que Votre volonté soit faite. Ainsi soit-il.
CHRISTUS IMPERAT