Entretien avec le Père Augustin-Marie,
prêtre de la Fraternité Saint Vincent Ferrier du couvent de Chémeré-le-Roi
Peut-on parler de Dieu ? – Qu’est-ce que Dieu ?
1. Peut-on définir Dieu ?
- – Dieu ne peut être défini. Définir implique de reconnaître avec son esprit des limites dans la réalité. Dieu, qui est sans limite, ne peut donc être défini.
- – « Puisqu’au sujet de Dieu nous ne pouvons savoir ce qu’il est, mais seulement ce qu’il n’est pas, nous ne devons pas considérer comment Dieu est, mais plutôt comment il n’est pas » (Saint Thomas d’Aquin, Somme de théologie, Ire partie, q. 3, prologue).
- – Connaître Dieu, c’est d’abord connaître ce qu’il n’est pas : Dieu n’a pas de corps, n’a pas de matière, n’a pas d’« accidents » (comme la taille, le poids, la couleur, etc.). Dieu est simple. On dira aussi qu’il est immuable, car non soumis au mouvement ; éternel, car non soumis au temps.
2. Peut-on parler de Dieu ?
- – L’impossibilité de définir Dieu ne signifie pas impossibilité de parler de Lui. Même si l’essence divine (la « Déité ») nous est inconnue en elle-même, nous pouvons connaître des choses sur Dieu.
- – Parler avec justesse de Dieu suppose d’élaborer un discours qui ne verse ni dans l’anthropomorphisme (Dieu est conçu à la manière de l’homme), ni dans l’agnosticisme (l’homme se déclare incapable de connaître et de dire quoi que ce soit sur Dieu).
- – Il existe deux sources auxquelles peut puiser l’esprit humain pour découvrir quelque chose de Dieu : la révélation et la nature.1° La Révélation, transmise par la Tradition et l’Écriture, nous communique le mystère même de Dieu, son secret, à savoir : la trinité des Personnes dans l’unité de l’essence divine. À cet enseignement, nous adhérons par la foi.2° La nature, créée par Dieu, nous parle de Dieu et nous fait voir comme en un miroir les perfections divines. Notre raison, capable de lire ce message des créatures, est ainsi capable de découvrir quelque chose de Dieu (cf. Sagesse, 13 ; Romains, 1).
3. Métaphore et analogie
- – Dans les choses créées, l’esprit découvre des propriétés de deux sortes : certaines impliquent une certaine imperfection métaphysique (par exemple, l’homme éprouve des passions), d’autres non.1° Les premières ne peuvent être attribuées à Dieu que par métaphore, c’est-à-dire le transport imagé d’une qualité créée qui signifie une qualité divine. Par exemple, quand l’Écriture parle de la « colère divine », elle veut signifier, selon la manière humaine de parler, un effet de la justice de Dieu.2° Les secondes perfections peuvent être attribuées à Dieu selon l’analogie, c’est-à-dire une véritable similitude sur fond de dissemblance.
- – Cette doctrine est l’enseignement même du 4e concile du Latran (1215) : « entre le Créateur et la créature on ne peut marquer tellement de ressemblance que la dissemblance entre eux ne soit plus grande encore » (DS 806 ; repris dans CEC 43).
4. La triple voie (causalité, négation et éminence) et les attributs divins
- – Par son action causale sur les choses, Dieu leur communique et imprime en elles quelque similitude de lui-même. Cette similitude sera d’autant plus grande que cette réalité sera élevée dans la hiérarchie des êtres. Ainsi, l’esprit humain, avec sa capacité de faire retour sur lui-même, est-il une similitude bien plus grande que celle de l’animal, de la plante ou du minéral.
- – Ce que Dieu est par essence (être, vérité, bonté, etc.), les créatures le sont par participation, c’est-à-dire qu’elles tiennent de Lui leur être, leur vérité, leur bonté.
- – Pour reconnaître dans les choses le reflet de l’action divine, l’esprit humain fait une triple opération :1° il reconnaît que Dieu est la cause de la bonté des choses (voie de causalité) ;2° mais il rectifie ce premier temps en disant que Dieu n’est pas bon à la manière des choses créées, c’est-à-dire d’une bonté limitée (voie de négation) ;3° et finalement, il affirme que Dieu est bon de manière éminente, qu’Il est la bonté par excellence, et même la Bonté par essence (voie d’éminence)
- – À la suite de saint Thomas (Somme de théologie, Première Partie), on peut tenter de présenter une liste des attributs divins :
- 1° Il y a d’abord ceux qui concernent la substance divine elle-même : simplicité, perfection, bonté, infinité, immensité, immutabilité, éternité, unité, invisibilité, ineffabilité.
- 2° Il y a ensuite les attributs qui regardent son opération : science, volonté, amour (sous lesquels se trouvent justice, miséricorde et providence, comme vertus de la volonté et de l’intelligence) ; enfin, quant à l’opération virtuellement transitive : puissance créatrice, conservatrice, gouvernante.
5. Le Mystère de l’Être divin invite l’homme à la prière
– Le mystère de la « Déité » consiste pour notre esprit en ceci : comment existent en Dieu, formellement et éminemment, des perfections qui coexistent difficilement ensemble dans les créatures (ex. la justice et la miséricorde) ?
– On ne sait pas combien on dit vrai quand on dit quelque chose de vrai sur Dieu. Notre difficulté à parler de Dieu nous incite à Lui parler : c’est le mouvement naturel de l’adoration et de la prière.
Bibliographie – Pour aller plus loin :
– Livre de la Sagesse, chapitre 13.
– Saint Augustin : Confessions, Livre X, VI, 8.
– Charles Journet : Connaissance et inconnaissance de Dieu, Editions Saint Augustin, 1996.
– Pierre-Marie Emonet : Dieu contemplé dans le miroir des choses, Chambray-lès-Tours, 1997. – Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°31-49.