Entretien avec l’Abbé Philippe Laguérie,
de l’Institut du Bon Pasteur
Qu’est-ce que le péché ? Pouvez-vous définir ce qu’est le péché ?
Quelle est la norme du bien et du mal ? C’est évidemment Dieu, l’essence de Dieu, la sagesse de Dieu. C’est par rapport à cette sagesse de Dieu que l’on se démarque, que l’on pose une action qui n’est pas conforme à la sagesse de Dieu. Le péché s’adresse donc à Dieu.
Le péché c’est une action mauvaise qui nous détourne de Dieu.
La tentation n’est évidemment pas le péché. On peut être énormément tenté et ne pas pécher. Le péché est un acte et la tentation est une sollicitation à un acte mauvais donc le péché n’est pas du tout la tentation, la tentation n’est pas du tout le péché. Cependant, si on s’amuse avec la tentation, si on la prend légèrement sans les moyens de résister à cette tentation, alors on se met en occasion prochaine de pécher. Et là attention, l’occasion prochaine de péché et le péché ont la même gravité. Autrement dit l’occasion prochaine du péché est un péché.
Le péché est-il un défaut de résistance à la tentation ?
Elle est considérable. D’ailleurs à ce propos que ce qu’on appelle les sept péchés capitaux en vérité ne sont pas du tout des péchés mais des vices. Ce sont des habitudes, des habitus comme on dit en théologie, ce sont des dispositions à commettre le péché. Cela n’a rien à voir. Le péché, nous l’avons dit c’est un acte, c’est une action qu’on fait tel jour à telle heure dans des circonstances précises, c’est une action. Le vice c’est une disposition au mal comme il y a d’ailleurs des dispositions au bien qu’on appelle les vertus. Un vice c’est donc un mauvais penchant au péché.
Quelle est la différence entre le péché et le vice?
Le péché véniel et le péché mortel n’ont pratiquement de commun que le nom. C’est deux choses vraiment totalement différentes. Saint Thomas explique qu’ils ont simplement la ratio commune, la propriété commune, d’être des déficiences par rapport à cette sagesse de Dieu et d’être des péchés l’un et l’autre.
Pouvez-vous nous donner la distinction entre le péché véniel et le péché mortel ?
Le péché mortel ou le péché grave nous détourne de notre fin qui est Dieu bien sûr. C’est-à-dire on change de cap, on change de route, au lieu de continuer dans la route de Dieu on prend un autre chemin qui nous détourne de Dieu, qui nous fera perdre Dieu éternellement si l’on n’en revient pas. Le péché véniel est au niveau des moyens. La grande différence c’est que dans le péché véniel, je ne prends pas le bon moyen pour rejoindre ma fin mais je conserve cette ordination, cette ordonnance, ce cheminement vers ma fin. Je vais à droite je vais à gauche j’allonge mon chemin je butine mais je ne perds pas cette orientation à ma fin qui est Dieu.
Les trois conditions de tout péché, c’est :
– une matière (grave pour le péché mortel)
– une advertance, je sais ce que je fais
– une volonté, je veux
Quelles conditions doivent être réunies pour qu’un acte soit considéré comme un péché?
Tant pour le péché véniel que pour le péché mortel, ces trois aspects sont là. La grande différence c’est que dans le péché mortel la matière est grave car elle nous détourne de notre fin.
Où se situe la différence entre la matière grave et la matière légère ?
Par exemple, le meurtre d’un innocent est un péché grave et la gourmandise est un péché véniel sauf si elle en vient à ruiner la santé, à commettre une injustice parce que vous ne nourrissez plus vos enfants.
Tout péché à trois conséquences, il est capital de le savoir pour comprendre la nécessité de la réparation et le recours aux indulgences.
Quelles sont les conséquences du péché?
– Le premier effet, c’est la faute : vous êtes coupable ; celui qui a fait le mal sciemment et volontairement est coupable. Il n’est pas seulement responsable ( !) mais aussi coupable devant Dieu. C’est la coulpe.
– Deuxième effet du péché : la peine. Le péché a déséquilibré la justice. Tout péché est un manque à la justice au moins vis-à-vis de Dieu et il faut rétablir la justice, c’est la peine.
– Et enfin tout péché produit en nous un foyer de péché. À chaque fois que l’on commet un péché, on prend de mauvaises habitudes, très vite d’ailleurs dès le premier acte nous dit saint Thomas. C’est une conséquence désastreuse du péché. Pour celui qui n’a jamais péché, qui est toujours dans l’innocence, la vertu est très facile, celui qui va de péché en péché, la vertu est très difficile, « qui a bu, boira ».
La coulpe est entièrement remise par la confession ou par la charité parfaite, il n’y en a plus. Cependant celui qui a recouvré l’état de grâce doit encore satisfaire pour ses péchés véniels ou ses péchés mortels pardonnés mais qui ont lésé gravement la justice de Dieu, toujours. Et voilà ce que permettent les indulgences. Les indulgences permettent la remise de la peine temporelle, comme on dit, due au péché.
Avez-vous des conseils à nous donner pour justement éviter d’entretenir cette mauvaise habitude de pécher ?
Une fois que quelqu’un a pris de mauvaises habitudes du péché, il faut se faire aider :
– par la prière d’abord, le Père Emmanuel de Mesnil Saint-Loup disait : « vous avez fait unemontagne de péchés, faites une montagne de prières. »
– La foi seule parfois ne suffit pas, c’est pourquoi il ne faut pas hésiter à avoir recours à un directeur spirituel et aux sacrements fréquents.
Bibliographie – Pour aller plus loin :
– « le péché », article 8 – 3ème partie – Catéchisme de l’Eglise Catholique – Edition Mame/Plon