Entretien avec Maître Jacques Tremolet de Villers, avocat
Comment définir la justice ?
La justice est une des quatre vertus cardinales en plus de la prudence, de la force et de la tempérance. Comment peut-on définir la justice ?
Les anciens définissait la justice comme « la volonté ferme et perpétuelle de rendre à Dieu et à chacun ce qui lui est dû. » Le mot important c’est le mot volonté c’est-à-dire que c’est une vertu. Une vertu n’est pas un concept, n’est pas une idée, c’est quelque chose que l’on met en œuvre.
Le Catéchisme de l’Église Catholique donne la définition suivante (n° 1807) : « La justice est la vertu morale qui consiste dans la constante et ferme volonté de donner à Dieu et au prochain ce qui leur est dû. » Cela commence par Dieu et « rendre à chacun ce qui lui est dû » fait ressortir la notion d’ordre.
C’est donc une disposition du cœur en même temps qu’une disposition de l’esprit.
En quoi consiste rendre à Dieu ce qui lui est dû ?
C’est dans le premier commandement du Décalogue : un seul Dieu tu aimeras parfaitement, donc ça commence par la dévotion totale, qui en fait est une reconnaissance. C’est simplement rendre à Dieu ce qui lui est dû, c’est dire reconnaître que tout ce qui a été créé, dont nous-mêmes qui sommes des créatures de Dieu, vient de Lui. Nous lui devons donc un devoir de piété et un devoir de reconnaissance.
La justice commence par un acte d’amour pour Celui qui, par amour, a créé, c’est-à-dire Dieu.
Après Dieu, quels devoirs avons-nous vis-à-vis des autres en terme de justice et de préservation des droits ?
A la question quel est le plus grand commandement ? Jésus répond : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu » et le second lui est semblable : « tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Toute la loi et les prophètes, toute la justice consiste à rendre à chacun ce qui lui est dû.
L’une des premières justices après celle de Dieu c’est d’abord de s’aimer soi-même et donc de se respecter soi-même. C’est seulement à partir de là que l’on peut commencer à pouvoir respecter et aimer l’autre et savoir ce qu’il faut lui rendre.
Nous vivons en communautés humaines, en société, l’homme est un animal social. Comment peut-on définir la justice sociale ?
L’homme est un animal social c’est vrai, c’est aussi un animal politique. A la différence des autres animaux ou, en plus des autres animaux, l’homme a la faculté d’organiser sa société. Ce qui caractérise l’homme c’est la raison, c’est-à-dire l’intelligence. Et la raison et l’intelligence c’est la capacité de discerner ce qui est droit. Et le juste c’est ce qui est droit : « id quod justum est ».
Ce qui est juste et ce qui est droit c’est la même chose. Et donc l’effort pour la justice sociale, l’effort de chacun, c’est d’abord l’effort du chef de l’État, celui qui préside à la destinée. C’est de faire régner ce qui est droit.
Le roi saint Louis en est un magnifique exemple. Saint Louis a fait le maximum de ce qu’on peut faire dans son temps, selon les circonstances, pour tendre vers la justice (c’est pour cela qu’il est canonisé comme roi). La justice n’est jamais quelque chose de parfait, mais quelque chose qui est le plus droit et donc le plus juste à un moment déterminé.
La justice n’est pas un conflit entre les droits : par exemple les droits des ouvriers et les droits des patrons. La justice est la distribution normale des dons. C’est pour cela qu’il faut commencer par Dieu. Dieu a commencé par tout donner. Nous avons reçu Ses dons et nous devons en faire un usage droit et juste. Une grande partie des paraboles évangéliques nous l’enseigne.
En quoi cette justice sociale est-elle en lien avec le bien commun et l’exercice de l’autorité ?
Le seul vrai bien commun c’est Dieu, le bien commun de tout. Chacun a la responsabilité du bien et doit donc obéir à l’ordre divin et rentrer dans le plan de Dieu.
Chacun a la responsabilité du bien qui est commun pour lui, avec lequel il a un lien tout à fait particulier. Il y a un bien commun de la famille, il y a un bien commun d’une entreprise, il y a un bien commun national, de la nation.
Le seul véritable bien commun de l’univers c’est Dieu, mais il existe un bien commun particulier de telle société, de telle cité…. Dans l’ordre du monde d’aujourd’hui, c’est le bien commun de la nation qui doit être prépondérant. Il peut y avoir un accord entre les nations mais c’est à l’intérieur des nations que se détermine le bien commun de la nation.
Bibliographie – Pour aller plus loin :
– Catéchisme de l’Église Catholique – Éditions Mame/Plon
– « De la Justice » Marcel de Corte – Éditions DMM
– « L’affaire Touvier » Jacques Trémolet de Villers – Éditions DMM
– « Aux marches du Palais – Pierre Antoine Berryer » Jacques Trémolet de Villers – Éditions DMM