« Notre-Dame de la Sainte Espérance, convertissez-nous !»



En 1852, l'abbé Ernest André (qui deviendra connu, après sa profession religieuse, sous le nom de "Père Emmanuel"), jeune curé de Mesnil Saint-Loup, partant en pèlerinage à Rome, reçoit l'inspiration de demander au Saint Père le nom de Notre-Dame de la Sainte-Espérance pour la statue de la Vierge Marie qui est honorée dans son église paroissiale; le 5 juillet le Pape Pie IX donne son consentement et institue un fête annuelle sous ce nom.

De retour dans sa paroisse le jeune prêtre annonce cette nouvelle avec une telle émotion (il en pleurait) et une telle ferveur à ses paroissiens que se répand très vite une petite prière consistant en l'invocation :

Notre-Dame de la Sainte-Espérance, convertissez-nous !
dite avant et après le Je Vous salue Marie.


Cette dévotion sera confirmée par le jugement de l'Eglise. Elle nous fait contempler dans la Vierge Marie, mère du Sauveur, la mère de la sainte Espérance. Modèle du coeur qui écoute la parole de Dieu et la met en pratique, la Sainte Vierge ne cesse de redire à tous ceux qui se tournent vers elle le conseil qu'elle adressa aux serviteurs des noces de Cana, en leur montrant son Fils : Faites tout ce qu'Il vous dira (Jn 2, 5).

Notre-Dame de la Sainte-Espérance et le Pèlerinage de Chrétienté ...

C'est en 1982, dans ce même village du Mesnil Saint-Loup, marqué par le Père Emmanuel qui lui donna sa vie (le Père Emmanuel resta curé du village jusqu'à sa mort en 1903), lors de l'Université d'été du Centre Henri et André Charlier, que prit corps l'idée de relancer un pèlerinage à pied, de Paris à Chartres, sur les pas de Charles Péguy et de tous ceux qui l'avaient précédé. Ce pèlerinage, "pour que France et Chrétienté continuent", était marqué par l'exemple de la résistance spirituelle polonaise autour du pèlerinage de Czestochowa.
C'est tout naturellement que les fondateurs placèrent le pèlerinage sous la protection de Notre-Dame de la Sainte-Espérance. C'est pourquoi, depuis 25 ans, la Sainte Vierge est honorée et invoquée lors de notre pèlerinage par les paroles mêmes jaillies du coeur inspiré du Père Emmanuel :

Notre-Dame de la Sainte Espérance, convertissez-nous !

La Sainte Vierge demande à son divin Fils les miracles qu'Il veut faire pour nous. Miracles d'abord de conversion. Mais aussi « miracles » d'engagement pour la Cité Catholique ou la Chrétienté, car Notre-Dame sait bien combien la paix véritable dans les sociétés civiles est nécessaire pour la conversion du plus grand nombre (cf note 1).
Chers amis pèlerins, que la petite prière du Père Emmanuel (cf note 2) monte de nos coeurs et soit sur nos lèvres, non seulement durant les trois jours du pèlerinage, mais qu'elle soit la compagne de chacune des étapes de nos journées, si simple et si puissante :

Notre-Dame de la Sainte-Espérance, convertissez-nous !
dite avant et après le Je Vous salue Marie.


Abbé François Pozzetto
aumônier général du Pèlerinage

note 1 - suivant la belle phrase du Pape Pie XII « de la forme donnée à la société, conforme ou non aux lois divines, dépend et découle le bien ou le mal des âmes » (Pie XII, 1er juin 1941)
note 2 – pour l’histoire plus complète de l’origine de la dévotion vous pourrez lire le texte ci-dessous écrit par le successeur du Père Emmanuel, Dom Bernard Maréchaux.


LE PERE EMMANUEL
ET L’ORIGINE DE LA DEVOTION
A NOTRE-DAME DE LA SAINTE ESPERANCE


article de Dom Bernard Maréchaux publié en 1925


Le jeune curé de Mesnil-Saint-Loup en était donc là, faisant de vigoureux, efforts pour remuer le petit pays qui lui avait été confié dans la froide Champagne, mais ne parvenant pas encore à le saisir pour le retourner, quand un facteur surnaturel intervint qui changea la face des choses.
Durant la troisième année de son pastorat, il se décida, avec la permission de son évêque, à partir pour Rome. Il était profondément romain. Il voulait implorer une bénédiction du Souverain Pontife sur son ministère. Il se met en route.
Tout à coup, au début même de son voyage, une lumière très vive se fait dans son esprit. Il se sent formellement invité à demander au Pape, qui était alors Pie IX, non pas une simple bénédiction, mais le nom de Notre-Dame de la Sainte-Espérance pour la Vierge honorée dans son église. L’autorité de l’intimation d’en haut excluait toute hésitation. L’abbé André n’hésita pas ; il s’arma d’une foi, d’une confiance intrépide. Il se présenta devant Pie IX, il lui exposa son humble et filiale requête, et contre toute vraisemblance, par-dessus toutes les règles établies, il obtint tout ce que comportait cette requête: tout, le nom de Notre-Dame de la Sainte-Espérance, une fête en son honneur pour la paroisse de Mesnil-Saint-Loup, et une indulgence plénière pour la fête. C’était complet.
Il revint en sa paroisse que la sainte Vierge lui rendait si chère. Il avait reçu le nom de Notre-Dame de la Sainte-Espérance le 5 juillet 1852 ; il attendit au 15 août pour divulguer son précieux trésor, pour annoncer le don fait à la paroisse du nom et du patronage béni de Notre-Dame de la Sainte-Espérance. En quels termes fit-il cette communication ? Son coeur débordait tellement, que son auditoire fondit en larmes et en sanglots. Puis on pria, on invoqua Notre-Dame de la Sainte-Espérance. Les invocations furent multiples : mais il en est une qui se dégagea des autres, qui jaillit par-dessus toutes les autres, qui fut adoptée par tous les coeurs. Cette invocation fut la suivante : Notre-Dame de la Sainte-Espérance, convertissez-nous.
Désormais toute la vie du jeune curé fut suspendue à ce titre, à cette invocation, qui produisit des merveilles de grâce. Il se fit des conversions admirables : véritables transformations d’âmes, retournements de bas en haut, de tout en tout. Elles ne firent pas la majorité dans la paroisse ; toutefois il y en eut tout d’abord un bon nombre, et ce nombre s’accrut. C’était une vie nouvelle, qui partait du fond des coeurs, qui s’exprimait par une humble contrition et d’ardentes prières, qui se déclarait prête à tout faire de ce qui plairait à Dieu.
Le jeune pasteur était confondu à ce spectacle qui le ravissait. Voilà donc l’oeuvre de Dieu marquée au coin de la vérité. Ce n’était plus un retour superficiel ; c’était une vraie conversion qui rompt les attaches du péché et qui gravite en s’élevant toujours dans l’amour de Dieu. C’était bien évidemment le salut pour les âmes.
Il était fixé : désormais il travaillerait purement dans le sens de la sainte espérance. Le facteur surnaturel qui l’inspire, qui le dirige, qui lui apprend ce qui plaît à Dieu, qui lui donne de le réaliser, c’est Marie elle-même sous le nom de Notre-Dame de la Sainte-Espérance. Ce nom est un programme: toujours les visées de l’éternité !
L’âme n’est acquise à Dieu que si elle le prend pour sa fin dernière, si elle met le monde de côté, si elle s’étudie par-dessus tout à lui plaire. Tant que l’âme n’en est pas là, rien n’est encore fait. Ah ! ne diminuons pas la capitale importance que revendique Marie, Mère de la sainte espérance dans la formation pastorale du père Emmanuel. Il nous crie avec force : « Sans elle, je n’étais rien, je ne voyais pas, je ne pouvais pas. Si j’ai fait quelque chose, c’est par elle que je l’ai fait. Elle m’a donné de comprendre ce que c’est qu’un chrétien, de travailler dans le sens du baptême, de mettre en valeur les richesses qu’il contient. Ayant eu des chrétiens, j’ai eu une chrétienté. Auparavant, j’avais à façonner une matière amorphe, des hommes faisant quelques œuvres chrétiennes mais païens d’âme. Dieu a fait surgir de ce fond obscur et troublé une terre ferme et consistante, apte à fructifier pour la vie éternelle. »
La dévotion à Notre-Dame de la Sainte-Espérance fit éclore une confrérie, qui ne tarda pas à être érigée en archiconfrérie. Elle fut dénommée : De la prière perpétuelle à Notre-Dame de la Sainte-Espérance. Elle se composait de séries de douze associés chacune, auxquels on assignait les douze heures du jour et même de la nuit, et qui prenaient l’engagement de dire chacun à son heure la prière : Notre-Dame de la Sainte-Espérance, convertissez-nous, avant et après un Ave Maria. Il arrivait que par le roulement des heures la prière ne cessait pas, qu’elle était vraiment perpétuelle, les associés la disant alternativement les uns pour les autres. Elle réalisait pour Marie une Laus perennis (louange perpétuelle) qui rappelait la Laus perennis des anciens moines. Cette archiconfrérie devint l’instrument d’innombrables grâces de conversions (…), son développement fut d’autant plus merveilleux, qu’il se fit sans réclame et sans bruit. C’était comme un parfum céleste qui se répandait d’âme en âme. On était profondément touché, on priait, on pleurait, dans un sentiment de contrition sans doute, mais aussi par l’infusion d’une joie inconnue à la terre. Le père Emmanuel appelait l’invocation : La petite prière que l’on pleure. C’était une prise de contact avec le Coeur immaculé et tout aimant de Marie.
L’extension rapide de l’archiconfrérie fut pour le jeune curé l’occasion d’un travail énorme, mais combien joyeux ! Certaines semaines, il n’enregistra guère moins de cent séries : c’était un millier de noms à inscrire avec indication de leur provenance, un millier de billets à rédiger et à distribuer, toute une correspondance à tenir. L’intrépide serviteur de Marie faisait face à tout d’une manière qui tenait du prodige.

Notre-Dame de la Sainte-Espérance, convertissez-nous
Je vous salue Marie (en entier)
Notre-Dame de la Sainte-Espérance, convertissez-nous

1. Le Père Emmanuel fut nommé curé du Mesnil Saint-Loup en 1849. Il en assura la charge jusqu’à sa mort en 1903.